Difference between revisions of "Cirque Medrano (Paris)/fr"

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En novembre, pour la première fois depuis la disparition du Nouveau Cirque, Medrano présenta une pantomime nautique, ''Le Cirque sous l'Eau'', avec une armée de clowns, de jolies naïades dans un ballet aquatique, et un bataillon de seize show girls. L’équipement de la piscine avait été loué au cirque du célèbre dompteur [[Alfred Schneider]] en Allemagne. ''Le Cirque sous l'Eau'' fut un grand succès qui resta à l'affiche pendant trois mois. La légendaire écuyère [[Thérèse Renz]] (qui avait soixante-treize ans et n'avait pas été vue à Paris depuis 1900 !), le superlatif jongleur russe [[Massimiliano Truzzi]] et Con Colleano figuraient parmi les moments forts de la saison 1932-33.
 
En novembre, pour la première fois depuis la disparition du Nouveau Cirque, Medrano présenta une pantomime nautique, ''Le Cirque sous l'Eau'', avec une armée de clowns, de jolies naïades dans un ballet aquatique, et un bataillon de seize show girls. L’équipement de la piscine avait été loué au cirque du célèbre dompteur [[Alfred Schneider]] en Allemagne. ''Le Cirque sous l'Eau'' fut un grand succès qui resta à l'affiche pendant trois mois. La légendaire écuyère [[Thérèse Renz]] (qui avait soixante-treize ans et n'avait pas été vue à Paris depuis 1900 !), le superlatif jongleur russe [[Massimiliano Truzzi]] et Con Colleano figuraient parmi les moments forts de la saison 1932-33.
 
   
 
   
[[File:Medrano_Construction.jpeg|thumb|right|400px|lLa semi-construction de Medrano (1932)]]L'année 1932 fut encore une année marquante pour Jérôme Medrano : par l'intermédiaire de son beau-père, il racheta la semi-construction d'[[Alexandre Palisse]] (1876-1932), récemment décédé. Le 30 septembre 1932, il la relança sous le nom de ''Cirque Medrano itinérant'' au Havre. Élégante et étonnamment confortable, Il s'agissait d'une construction qui avait été créée pour voyager facilement—probablement la meilleure construction en Europe après celle, beaucoup plus grande, de Sarrasani. Elle était chauffée, disposait d'un bon système d'éclairage, d'un tapis de coco dans la piste, et était élégamment équipée de fauteuils de théâtre à bascule, comme son homologue parisien. Elle était parfaite pour représenter l'illustre cirque Medrano de Paris dans les grandes villes de province, où la construction était érigée pour une durée de deux semaines à un mois à l'occasion de grandes foires régionales.
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[[File:Medrano_Construction.jpeg|thumb|right|400px|La semi-construction de Medrano (1932)]]L'année 1932 fut encore une année marquante pour Jérôme Medrano : par l'intermédiaire de son beau-père, il racheta la semi-construction d'[[Alexandre Palisse]] (1876-1932), récemment décédé. Le 30 septembre 1932, il la relança sous le nom de ''Cirque Medrano itinérant'' au Havre. Élégante et étonnamment confortable, Il s'agissait d'une construction qui avait été créée pour voyager facilement—probablement la meilleure construction en Europe après celle, beaucoup plus grande, de Sarrasani. Elle était chauffée, disposait d'un bon système d'éclairage, d'un tapis de coco dans la piste, et était élégamment équipée de fauteuils de théâtre à bascule, comme son homologue parisien. Elle était parfaite pour représenter l'illustre cirque Medrano de Paris dans les grandes villes de province, où la construction était érigée pour une durée de deux semaines à un mois à l'occasion de grandes foires régionales.
 
   
 
   
 
Jérôme veilla à ce que la programmation du Medrano itinérant reflète la qualité de ses spectacles parisiens. Le spectacle inaugural comprenait les clowns Dario-Bario, le célèbre numéro de trapèze volant de bâton à bâton des Zemganno, la danseuse acrobatique américaine [[Barbara La May]], le spectaculaire numéro de jockeys des [[The Ricono-Strulas|Ricono-Strula]], et d'autres numéros de même calibre. La construction Medrano tourna chaque année jusqu'à la fin de 1937 ; elle maintint l'itinéraire établi originellement par Palisse, visitant les mêmes villes aux mêmes périodes, et se constitua ainsi un public provincial fidèle.  
 
Jérôme veilla à ce que la programmation du Medrano itinérant reflète la qualité de ses spectacles parisiens. Le spectacle inaugural comprenait les clowns Dario-Bario, le célèbre numéro de trapèze volant de bâton à bâton des Zemganno, la danseuse acrobatique américaine [[Barbara La May]], le spectaculaire numéro de jockeys des [[The Ricono-Strulas|Ricono-Strula]], et d'autres numéros de même calibre. La construction Medrano tourna chaque année jusqu'à la fin de 1937 ; elle maintint l'itinéraire établi originellement par Palisse, visitant les mêmes villes aux mêmes périodes, et se constitua ainsi un public provincial fidèle.  
  
En 1937, la vedette de son spectacle était Grock. Cependant, Grock n’était pas aussi connu dans les provinces françaises que dans les grandes capitales européennes comme Paris, Berlin ou Londres—ou en Allemagne, le pays de ses plus grands triomphes. La tournée ne répondit pas aux attentes et Grock, qui touchait un pourcentage des recettes et n'avait pas l'habitude de se produire devant des fauteuils vides (même s'ils étaient quand-même peu nombreux), rompit son contrat avant la fin de la tournée. Mais ce n'est pas ce contretemps qui poussa Jérôme à abandonner la construction à la fin de la saison. Sa fermeture fut liée à une autre aventure itinérante, qui fut malheureusement de courte durée, bien que de tous les projets de Jérôme Medrano c'eût été peut-être le plus prometteur, le chapiteau itinérant connu sous le nom de ''Medrano Voyageur''.  
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En 1937, la vedette de son spectacle était Grock. Cependant, Grock n’était pas aussi connu dans les provinces françaises que dans les grandes capitales européennes comme Paris, Berlin ou Londres—ou en Allemagne, le pays de ses plus grands triomphes. La tournée ne répondit pas aux attentes et Grock, qui touchait un pourcentage des recettes et n'avait pas l'habitude de se produire devant des fauteuils vides (même s'ils étaient quand-même peu nombreux), rompit son contrat avant la fin de la tournée. Mais ce n'est pas ce contretemps qui poussa Jérôme à abandonner la construction à la fin de la saison. Sa fermeture fut liée à une autre aventure itinérante, qui fut malheureusement de courte durée, bien que de tous les projets de Jérôme Medrano c'eût été peut-être le plus prometteur, le chapiteau itinérant connu sous le nom de ''Medrano Voyageur''.
  
 
===Medrano Voyageur===
 
===Medrano Voyageur===

Latest revision as of 21:39, 13 December 2024


Par Dominique Jando


Le mythique cirque stable Medrano occupe une place singulière dans le tissu(French) A double piece of hanging fabric, generally made of silk, used for an aerial act. (See also: Fabric, Silks) culturel de Paris et dans l'histoire du cirque. Depuis ses débuts sous le nom de Cirque Fernando en 1873 jusqu’à la fin de la direction de Jérôme Medrano en 1962, il était étroitement lié à la vie artistique de la capitale française, non seulement comme lieu de divertissement populaire, mais aussi pour sa longue association avec artistes, écrivains, journalistes, et l'intelligentsia parisienne en général. Il a figuré dans des tableaux, des romans, des films et même des chansons populaires. Son histoire est également étroitement liée à la vie de ses trois directeurs historiques : Louis Fernando, Geronimo Medrano et Jérôme Medrano.

Parfois surnommé « Le Temple des Clowns, » il a accueilli les plus grands clowns de son époque, de Geronimo Medrano à Buster Keaton, et a lancé l'extraordinaire carrière des Fratellini. Il a également mis en lumière des artistes jusqu'alors peu connus mais de grand talent, les transformant en véritables stars du cirque ; apparaître sur sa piste était une reconnaissance pour tout artiste. Sa dernière représentation, sous le règne de Jérôme Medrano en janvier 1963, fut un événement auquel participa le Tout-Paris des arts, et sa démolition en décembre 1973 provoqua un tollé général qui aboutit à une législation protégeant les théâtres historiques de Paris.

Medrano Farandole.jpg

Ferdinand Beert

Ce cirque fondamentalement parisien n'en a pas moins été construit par un entrepreneur de cirque belge. Ferdinand Constantin Beert (1835-1902) est né le 31 juillet 1835 à Courtrai, en Belgique, le fils d'Auguste Jean Beert, boucher, et de Delphine Beert, née Steinbrouk. La légende veut que, à onze ans, Ferdinand quitta le giron familial pour suivre un cirque, en l'occurrence le Cirque Gauthier, qui tournait en Belgique. Là, Ferdinand s'entraîna avec un acrobate et travailla comme palefrenier, apprenant les bases de l'équitation sur le tas. La façon dont la carrière de Ferdinand a réellement évolué après sa fuite du domicile paternel demeure cependant pure conjecture, mais il a effectivement travaillé pour Gauthier.

Le 17 avril 1857, Ferdinand Beert épousa à Bruges Maria Theresia De Seck, une écuyère qui, comme lui, n'était pas née dans le cirque : son père, Pieter, était marinier. Ferdinand avait vingt-deux ans ; Maria-Theresia avait déjà un fils, Ludovicus Carolus (Louis Charles), né à Bruges le 26 juillet 1851 probablement hors mariage, que Ferdinand adopta. Louis-Charles (le futur Louis Fernando, 1851-1917) avait alors six ans, soit à peine quinze ans de moins que son nouveau beau-père. Les Beert tournèrent avec le Cirque Gauthier en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Angleterre. Pendant ce temps, Louis était formé à la voltige équestre, mais il faut bien le dire, contre son gré.

Le Cirque de l'Impératrice sur les Champs-Élysées
En 1861, Ferdinand Beert fut engagé par Louis Dejean (1786-1879), célèbre entrepreneur de cirque, pour sa compagnie parisienne. Beert se produisit pour la première fois dans la capitale au Cirque Napoléon de Dejean (aujourd'hui Cirque d'Hiver), puis, pour la saison estivale, dans son Cirque des Champs-Élysées situé dans les jardins des Champs-Elysées. Pour sa première apparition avec Dejean, Ferdinand avait présenté un duo acrobatique à cheval avec un partenaire nommé Armand et avait exécuté un numéro de saut de tonneaux. Ferdinand Beert, qui était un artiste très polyvalent, resta avec Dejean pendant dix années consécutives, se produisant dans une grande variété de numéros à cheval et au sol, ainsi que dans des entrées clownesques et des pantomimes.

Bientôt, Louis Beert interprétait le même répertoire équestre que celui de son père, mais après une mauvaise chute en 1865, au cours de laquelle il se fractura une jambe et un bras, il fut contraint d'abandonner la voltige à cheval. Le célèbre maître-écuyer François Baucher (1796-1873), qui était le directeur équestre de Dejean, décida de prendre Louis sous son aile et de lui apprendre les subtilités de l'équitation savante, de la haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School) à la présentation des chevaux « en liberté. » Leurs années sédentaires à Paris donnèrent aussi à Ferdinand et Maria-Teresia Beert la possibilité de donner à Louis une solide éducation scolaire.

En travaillant pour Dejean, Ferdinand acquit un nom de scène, Fernando, et surtout une bonne connaissance du public parisien. Il avait aussi eu largement l'occasion d'observer de près comment Dejean dirigeait ses cirques. À l'été 1871, Fernando apparut pour la dernière fois au cirque des Champs-Élysées—devenu Cirque d'Été, enseigne qui remplaça celle de Cirque de l'Impératrice après la chute du Second Empire en 1870. Il ne reviendra pas au Cirque National (l'ancien Cirque Napoléon) pour la saison hivernale : Contemplant l'aube d'une nouvelle ère républicaine, Fernando Beert avait décidé de fonder son propre cirque !

LE CIRQUE FERNANDO (1875-1897)

Le cirque de Beert, qui avait pour enseigne Cirque Fernando, fur d'abord un cirque ambulant. Il débuta à Vierzon, en plein centre géographique de la France, au printemps 1872. La compagnie comprenait alors dix chevaux et cinq artistes : Fernando et son beau-fils, Louis (qui avait alors vingt et un ans), l'écuyer Philippe Bertoletti, le trapéziste et écuyer Baptiste Gillardoni et le clown anglais George Howard. Il s'agissait d'une petite troupe, mais le nombre de chevaux et la présence de quatre écuyers révèlent que l'équitation formait l'ossature du spectacle, ce qui n'est pas surprenant puisque l'époque du cirque équestre était battait encore son plein.

La liste des artistes de Fernando s'étoffa au fur et à mesure de ses pérégrinations provinciales, qui connaissaient des hauts et des bas. Quant à Maria Theresia, maintenant connue sous le nom de Marie-Thérèse, elle s'était retirée de la piste et s'occupait de l'administration (c'est-à-dire la billetterie et une comptabilité de base) ; elle était également très occupée à élever les trois enfants du couple, Adolphe, Marthe et Eugénie—parmi lesquels seuls Adolphe et Marthe se produiront dans le cirque familial—et elle avait aussi peut-être perdu la forme physique élancée que l'on attendait d'une ballerine à cheval. Elle était désormais la respectable Madame Fernando.

La Fête de Montmartre

En août 1873, Fernando installa son chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. à la Fête de Montmartre, une populaire foire estivale qui se tenait traditionnellement sur la butte Montmartre, au nord de Paris. Mais le mois précédent, le gouvernement français avait donné son feu vert à la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." de la basilique du Sacré-Cœur sur le terrain même où se déroulait traditionnellement la foire, au sommet de la butte. La foire fut donc déplacée sur le terre-plein médian du boulevard de Rochechouart, à la limite sud de Montmartre. Il était suffisamment large pour accueillir les barraques et les manèges de la foire, voire une ménagerie ambulante, mais pas un chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. de cirque. Par chance, Fernando trouva un terrain vacant à l'angle du boulevard de Rochechouart et de la rue Lallier et put le louer pour la durée des festivités.

Location du Cirque Fernando
Montmartre et ses environs immédiats formaient un quartier ouvrier animé et coloré, déjà réputé pour ses nombreux lieux de divertissement : La Boule Noire, l'un de ses bals les plus connus, était située juste en face de Fernando, de l'autre côté du boulevard ; il y avait aussi le Bal Tabarin et La Reine Blanche, pour ne citer que deux des plus célèbres bals qui attiraient les fêtards sur le boulevard de Rochechouart. Le Moulin de la Galette, une guinguette, était un autre rendez-vous populaire situé sur la colline même ; et bientôt, le Bal du Moulin Rouge viendra s'ajouter à la liste (sur le boulevard de Clichy, le prolongement ouest du boulevard de Rochechouart).

L'importante bohème de Montmartre comprenait de nombreux peintres, parmi lesquels Auguste Renoir, Edgar Degas, Georges Seurat et Henri de Toulouse-Lautrec. Ils devinrent rapidement des habitués du Cirque Fernando, où Mme Fernando leur donnait libre accès aux répétitions pour croquer les artistes au travail et, parfois, les invitait au spectacle. À leur tour, ils amenèrent dans leur sillage une foule de jeunes écrivains, journalistes et autres intellectuels parisiens avant-gardistes ; ces visiteurs branchés générèrent une publicité considérable pour les Fernando.

Lorsqu'il s'installa initialement à Montmartre, le cirque de Fernando était un petit chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. de toile soutenu par un mât unique, qui offrait un confort plutôt spartiate ; avec ses verdines en bois qui entouraient le chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. et la plupart des artistes vivant sur place, l'ensemble ressemblait à un campement gitan. Pourtant, le spectacle de Fernando était louable et avait du charme, et il fut généralement bien accueilli par les critiques qui avaient fait le déplacement boulevard de Rochechouart.

Plus important encore, Fernando découvrit qu’il existait une importante population locale prête à retourner dans un cirque lorsque ses programmes étaient renouvelés—à laquelle s’ajoutaient les nombreux visiteurs venus se divertir dans ce quartier animé. Alors, à la fin de la foire, Fernando prolongea son bail et remplaça son chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. par une semi- construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." avec une couverture de toile étendue sur une charpente en bois, et un entourage de planches pour mieux garder le public au chaud pendant les mois d'hiver.

Le romancier français Jules Claretie (1840-1913) donne une bonne description du Cirque Fernando à cette époque dans son roman Le Train 17 (1877), dans lequel son cirque pas tellement imaginaire s'appelle Cirque Francis Elton : « Ce n'était pas un cirque luxueux aux stalles garnies de velours ; c'était presque un cirque forain, et cette rotonde couverte de toile, poussée, en quelque sorte, en plein Paris, tout à coup, comme certaines végétations après la pluie, avait bien étonné les habitants du boulevard de Clichy… » Même si le roman de Claretie est fictif, ses décors étaient basés sur le Cirque Fernando de cette époque.

À ce moment-là, la compagnie d'artistes de Fernando s'était agrandie ; au printemps 1874, elle comprenait—outre les Fernando, Bertoletti et Gillardoni—Ferdinand et Victor Bouthors; les écuyères Clotilde Bertoletti, Mlle Marthe (Fernando) et Mlle Juliette ; et surtout, le clown Geronimo Medrano (1849-1912) et son partenaire Pasquale. Sans le savoir, Medrano était en route vers la célébrité dans un bâtiment qui porterait un jour son nom, car Mme Fernando, qui voyait l'argent affluer au guichet, avait décidé qu'il était temps de construire un cirque permanent à Montmartre.

Le cirque Fernando de Montmartre

Au début de 1874, les Fernando avaient rencontré Monsieur Loiseau, propriétaire du terrain où ils étaient installés, et comme Loiseau n'avait aucune perspective immédiate pour sa propriété, ils obtinrent un bail de trente ans sur une parcelle située à quelques mètres à l'ouest de leur semi-construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction.", à l'angle du boulevard et de la rue des Martyrs. Contrairement à la rue Lallier, la rue des Martyrs coupait le boulevard de Rochechouart à angle droit, ce qui simplifiait la conception architecturale d'un immeuble. De plus, les Fernando pouvaient maintenir leur structure existante en activité sur l'emplacement qu'elle occupait déjà pendant les travaux de construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." du nouveau cirque.

Plans de Gridaine (1874)
Les Fernando firent appel à un architecte local, Gustave-André Gridaine (1836-1903), pour concevoir leur cirque sur le modèle du Cirque des Champs-Élysées. (Le Cirque d'Hiver, plus moderne avec sa remarquable coupole autonome, était un modèle beaucoup trop coûteux pour être sérieusement envisagé.) À partir de ce moment, tout alla très vite et, le 1er mai, Fernando envoya les plans complétés par Gridaine à la Préfecture de Police pour obtenir le permis de bâtir nécessaire.

Certains historiens du cirque ont noté qu'aucun permis de construire n'a jamais fait surface, inférant ainsi que la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." du Cirque Fernando était probablement illégale. Mais c'est une idée fausse : il n'y avait pas de permis de construire à proprement parler à l'époque, et les documents présentés à la Préfecture de Police constituaient à eux seuls le permis de bâtir—à moins que la Préfecture de Police ne s'opposât, pour une raison ou une autre, à la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." d'un immeuble donné à l'emplacement choisi, mais cela n'avait pas de rapport direct avec quelque aspect technique ou architectural de l'immeuble. C'était juste une procédure de routine. Puisque rien n'empêchait la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." d'un cirque sur le lieu choisi par Fernando, les travaux commencèrent le 15 août 1874.

Pour financer une partie de l'opération, les Fernando conclurent un accord inhabituel avec leur entrepreneur, un certain Monsieur Oudin. Oudin accepte d'être payé en plusieurs échéances et les Fernando lui donnèrent comme garantie leur cirque à venir, et même le bail du terrain. À son tour, Oudin utilisa la propriété et le bail de Fernando comme garantie pour obtenir un crédit de 100 000 francs de la Banque Bouley et Cie. À terme, ce montage financier allait générer de sérieux problèmes, et il aura des conséquences imprévues qui finiront par faire perdre à Jérôme Medrano son cirque au profit de la famille Bouglione près d'un siècle plus tard.

Dès la fin novembre, les principales infrastructures du cirque étaient complétées ; le nouveau Cirque Fernando ouvrit ses portes sept mois plus tard, le 25 juin 1875. Son adresse était au 63 boulevard de Rochechouart, et il avait coûté plus de 500 000 francs, soit aujourd'hui environ 5 775 000 €. Malgré un espace limité (la surface utilisable était d'environ 40 x 40 mètres) et un budget relativement réduit, Gridaine avait fait un très beau travail. Le style était « classique-haussmannien, » avec une façade agréable, même s'il lui manquait la statue équestre qui devait la couronner et qui n'a jamais été réalisée. Elle était ornée de colonnes corinthiennes encadrant trois portes cintrées qui ouvraient sur un petit hall d'accueil, où se trouvait la billetterie. Au-dessus des portes d'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. trois grandes fenêtres ornées d'élégantes balustrades en fer forgé s’ouvraient sur le foyer du premier étage.

La salle elle-même était un polygone à seize côtés d'un diamètre intérieur de 34,10 mètres (35 mètres hors-tout). La piste avait le diamètre traditionnel de 13 mètres. Le toit, dont la charpente métallique restait entièrement visible, était divisé en deux cercles concentriques ; le cercle intérieur était une coupole surélevée de 22,5 mètres de diamètre, soutenue par seize colonnes en fonte. Sa hauteur, jusqu'à la base de sa lanterne, était d'environ 20 mètres. La cloison périphérique de cette coupole avait des fenêtres, tout comme la lanterne, afin que la lumière du jour puisse être utilisée pendant les répétitions et les matinées, mais il y avait aussi seize grands lustres à gaz suspendus entre les colonnes à la circonférence de la coupole pour éclairer les représentations du soir.

Plans de Gridaine (1874)
La salle était censée (sur le papier) accueillir 2 080 spectateurs, entassés sur treize rangées de gradins répartis en trois catégories, avec une séparation entre la première et la seconde catégorie, et un promenoir. Les Premières et Secondes places étaient dotées de bancs rembourrés avec dossier ; les Troisièmes Places disposaient de simples bancs avec un « butée » arrière. Ce style de sièges peut sembler un peu spartiate par rapport aux normes actuelles, mais dans l'ensemble, le Cirque Fernando était plus confortable que le Cirque d'Hiver, pourtant beaucoup plus grand (et qui était alors passé sous la direction de Victor Franconi). L'étroit promenoir périphérique courait juste derrière les Troisièmes places. La tribune de l'orchestre était placée au-dessus de l'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. des artistes ; en face, se trouvait une grande loge à quatre rangées de fauteuils, derrière laquelle se trouvait le petit foyer ouvert qui était au-dessus du hall d'accueil, et auquel on accédait donc par la salle. Ce foyer était au niveau du promenoir, auquel il était connecté.

Contrairement au Cirque des Champs-Élysées et au Cirque d'Hiver, les différentes catégories de places étaient reliées entre elles, ce qui produisait une ambiance conviviale. La forte pente entre les rangées offrait non seulement au public une excellente visibilité (malgré les colonnes devant les Secondes places), mais aussi une très bonne acoustique, un avantage indéniable pour les clowns. La salle était joliment décorée de guirlandes de fleurs peintes sur le pourtour de la coupole, et d'accents dorés qui ornaient certains détails architecturaux. Les colonnes étaient peintes en faux marbre et les murs et le plafond dans un ton rose pêche. La salle dégageait une sensation de chaleur et d'élégance—et aussi d'intimité, ce qui n'était pas son moindre charme.

Si la salle était circulaire, l’ensemble du bâtiment était contenu dans un carré. Sur le boulevard de Rochechouart, flanquant la façade de chaque côté, se trouvaient deux espaces conçus pour accueillir un café et des bureaux ; à partir de 1885, ils furent loués au studio photographique Chamberlin, dont le nom restera associé au bâtiment du cirque jusqu'à la fin des années 1950. À l’arrière se trouvait une petite structure d'un étage ; côté rue, de part et d'autre de la porte cochère qui servait à l'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. des artistes (au 72 ter rue des Martyrs), se trouvaient la loge du concierge et un espace polyvalent pouvant abriter les gros animaux ou les voitures-cage. Le vaste appartement de Fernando était situé au-dessus, au premier étage.

Du côté opposé, des écuries (pouvant accueillir 16 chevaux) occupaient le rez-de-chaussée et le premier étage abritait une suite de loges assez exiguës pour les artistes. (Deux loges supplémentaires étaient situées sous le niveau du sol, sous les gradins, de chaque côté de l'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. de piste ; l'une d'elles devint traditionnellement utilisée par les clowns). Ce côté du bâtiment ne comportait pas de porte donnant sur l'extérieur, puisque la petite rue Viollet-le-Duc, qui encadrera plus tard le côté est du cirque, n'existait pas encore (elle fut inaugurée en 1880).

Les coulisses, entre ces deux ailes, étaient relativement étroites ; elle servaient néanmoins de foyer secondaire avec une petite buvette qui, lorsque le foyer principal situé derrière la loge fut supprimé sous le mandat de Jérôme Medrano, fut remplacé par un véritable bar où se mélangeaient artistes et spectateurs lors des entractes, un élément très apprécié qui ajoutait au charme et à l'unique atmosphère fort conviviale de ce cirque.

Le cirque de Medrano

Le Cirque Fernando avait déjà commencé à développer sa réputation parisienne à l'époque du chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top., mais maintenant qu'il se produisait dans un bâtiment permanent, avec le confort supplémentaire que cela impliquait, il devint rapidement une véritable destination. Madame Fernando poursuivit la politique de donner aux artistes voisins un accès gratuit aux répétitions, et ils continuèrent à ammener leurs amis : journalistes et écrivains apprécièrent l'atmosphère chaleureuse du nouveau cirque, et Fernando Beert leur offrirent la qualité qu'ils attendaient de ses spectacles. Ils le firent vite savoir.

Geronimo Medrano dans la semi-construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." par Maurice Blum (1875)
Le programme, renouvelé partiellement chaque semaine, était riche et varié : le spectacle d'ouverture comprenait même les éléphants de James C. Edmonds, une attraction(Russian) A circus act that can occupy up to the entire second half of a circus performance. spectaculaire qui n'était pas fréquente à l'époque. Quelques membres de la vaste et célèbre famille Chiarini, le dresseur de singes et de chiens Jules Bugny, l'écuyère Jenny Visser et les clowns Vallier & William faisaient partie du spectacle inaugural, aux côtés des fidèles Gillardoni et Bertoletti, et le Vicomte de Corbie présentait sa cavalerie(French) The ensemble of the horses in an equestrian circus.. Cependant, il devint vite évident que l'atout de Fernando était son « premier clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., » Geronimo Medrano, plus connu sous le nom de Boum-Boum. De loin le grand favori du public populaire, il était en passe de devenir la vedette de Fernando.

Le fils de Candido Medrano et de son épouse Magdalena, née Perez, Geronimo était né à Madrid en 1849. Il s'entraîna à la gymnastique dès son adolescence et, à vingt ans, monta un numéro de trapèze volant avec un partenaire, Léopold Salonne. Créé en 1859 au Cirque d'Hiver de Paris par Jules Léotard (1838-1870), le trapèze volant était rapidement devenu un numéro à la mode, même s'il n'était pas facile à réaliser, grâce à l'extraordinaire succès de son créateur. À l'origine, ce numéro était exécuté en voltigeant de trapèze à trapèze, mais Medrano et Salonne furent parmi les tout premiers trapézistes volants à travailler de trapèze à porteur. Cependant, ce qui distingua vraiment Medrano et Salonne, c'est que leur numéro était comique.

Ils s'étaient déjà produits dans toute l'Europe lorsqu'ils débarquèrent à Paris en juin 1872, au Cirque des Champs-Elysées, où ils obtinrent un succès notable. Bien que Fernando eût déjà quitté l'entreprise de Dejean, il a peut-être rencontré Geronimo Medrano à cette époque. Quoi qu'il en soit, en 1873, Medrano et Salonne se séparèrent et Fernando Beert, qui était devenu directeur de cirque, proposa à Medrano de travailler comme clown dans son établissement ; Geronimo, qui avait une personnalité chaleureuse et enjouée, connut immédiatement le succès. Il était également doué pour dresser les petits animaux, et son partenaire préféré sur la piste était un cochon, l'animal de prédilection de nombreux clowns (comme Billy Hayden, Tony Grice et Anatoly Durov en témoignèrent).

Très souvent, les clowns utilisent en piste un mot ou une phrase auxquels le public finit par les associer ; Medrano avait l'habitude de donner au chef d'orchestre le signal de jouer sa musique de sortie en lui jetant un « boum boum ! » retentissant. L'exclamation récurrente de Geronimo se grava dans la mémoire collective, et très vite son public le surnomma Boum-Boum. Bien qu'il ne figurât pas spécifiquement dans la publicité de Fernando, une grande partie du public populaire allait au Cirque Fernando pour voir Boum-Boum. Il n'était pas nécessaire de l'annoncer : le public savait qu'il serait là. Il faisait pour ainsi dire partie des meubles, et il contribua largement au succès de Fernando.

L'arrivée de Louis Fernando

Durant sa première pause estivale en août 1875, le Cirque Fernando accueillit une série de concerts de « musique moderne. » Lors de sa réouverture en septembre, le beau-fils de Fernando Beert, Louis Fernando, était en charge de la programmation, devenant ainsi le directeur artistique du cirque. Pourquoi Fernando délégua-t-il cette responsabilité cruciale à Louis ? Les Beert étaient lourdement endettés, et pour ajouter un revenu supplémentaire, Fernando avait décidé de reprendre les tournées de son cirque ambulant, tout en laissant progressivement à Louis la responsabilité du bâtiment parisien.


Louis Fernando par Henri de Toulouse-Lautrec (1887)
Or, si Fernando savait diriger un cirque ambulant, diriger un cirque parisien était une tout autre affaire : il fallait être constamment à l'écoute du marché des artistes, traiter sans cesse avec artistes ou agents, tenir compte des tendances du moment, et surtout, être très créatif. Louis Fernando, quelque peu snob et désireux de faire partie de la haute-société parisienne, avait une bien meilleure éducation que son beau-père et se tenait au courant des modes de la vie parisienne ; il avait aussi une personnalité plus séduisante. En somme, Louis était mieux placé que son beau-père pour diriger une salle de spectacle parisienne. En fait, bien que directeur, Fernando Beert était rarement sous le feu des projecteurs : sa femme et son beau-fils avaient toujours incarné l'image connue du cirque Fernando.

Louis se révéla un bon directeur artistique ; il savait composer des programmes attractifs, était ouvert aux nouveautés, et comprenait bien qu'il lui fallait valoriser son meilleur atout, « Boum-Boum » Medrano. Cependant, sur le plan administratif, l’absence de compétence financière des Beert était leur talon d'Achille. En 1876, pour satisfaire les demandes de leurs créanciers, ils tentèrent de créer une société anonyme, mais la constitution de leur capital, telle qu'elle était, fut jugée illégale et la société fut dissoute. À ce stade, leur situation financière et juridique était devenue si compliquée qu'elle avait créé un vide dans lequel Louis Fernando avait toute latitude d'agir comme bon lui semblait. Le revers de la médaille était que les Beert n'avaient plus rien à leur nom : toutes leurs propriétés, y compris leur bâtiment et leur bail foncier, étaient détenues en garantie par leur banque.

Le 25 janvier 1876, Louis Fernando se maria dans la bonne bourgeoisie parisienne : le père de Jeanne Gabrielle Houssaye (1857-1894), sa jeune épouse, était un négociant en thé réputé qui avait créé le premier salon de thé parisien sur les Champs-Élysées lors de l'Exposition Universelle de 1867. Louis et Jeanne Fernando s'installèrent rue du Dôme, près de la place de l'Étoile à Paris, dans un quartier chic. Jeanne et Louis Fernando avaient déjà un fils conçu hors mariage, Gabriel Eugène Henry Beert, né le 24 septembre 1875, qui mena une carrière d'acrobate peu brillante, épousa en 1900 la fille d'un employé des chemins de fer et mourut en 1902, à vingt-sept ans. Au fil des années, le style de vie de Louis, alimenté par ses ambitions sociales, nuira à sa situation financière, déjà précaire, et à celle de son cirque.

Lala Kaira au Cirque Fernando par Edgar Degas (1879)
Néanmoins, Louis Fernando était un directeur artistique compétent. Il était conscient que son cirque n'était pas équipé pour rivaliser efficacement dans le domaine équestre avec le Cirque d'Hiver et le Cirque des Champs-Elysées, ni pour mettre en scène les spectaculaires pantomimes du Cirque d'Hiver, et bientôt, celles l'immense Hippodrome de l 'Alma qui ouvrit ses portes en 1877. Le Cirque Fernando était cependant mieux adapté que ses concurrents pour la comédie intime, et il avait en plus un clown populaire. En janvier 1876, Louis produisit Le Barbier Frétillant, une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). comique avec Boum-Boum dans le rôle-titre. C'était la première d'une longue série de pièces similaires qui allaient mettre en vedette Geronimo Medrano et faire de lui la vraie vedette cirque.

Ce sont les nouveautés, et non les stars équestres, qui distinguaient le Cirque Fernando, que ce fut un spectacle équestre entièrement féminin, le phoque de Raziscoff ou les lions du capitaine Cardona. En décembre 1878, la sensation du spectacle fut une acrobate aérienne mulâtre, Miss Lala (Olga Albertina Brown, 1858-?), « la Sirène des Tropiques, » qui connut un succès parisien considérable et fut immortalisé par Edgar Degas. (Ce spectacle mettait également en vedette les Fratellini, en la personne de Gustavo Fratellini—le père des légendaires François, Paul et Albert—et de son partenaire Romoli. Miss Lala et la troupe Kaira (à laquelle elle appartenait) partirent en tournée avec le Cirque Fernando itinérant pendant l'été et restèrent sous contrat avec les Fernando jusqu'à la fin de 1879.

Lorsque le Cirque Fernando entreprit sa tournée provinciale annuelle sous chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. à l'été 1879, le cirque du boulevard de Rochechouart fut loué pour devenir un café-concert, et Geronimo Medrano partit travailler à l'Hippodrome de l'Alma. Le cirque sera ainsi souvent loué en été pour des activités extracurriculaires, et en saison, les jours de relâche, pour des réunions publiques ou des réunions politiques : les plus médiatisées d'entre elles furent les réunions tenues par Georges Clémenceau, alors député de Montmartre. (Chroniqueur et homme politique célèbre, Clémenceau deviendra Premier ministre en 1917, lors de la Première guerre mondiale, et contribuera à la victoire des Alliés sur l'Allemagne.)

L'atout principal de Fernando était toujours Geronimo Medrano, qui était aussi le personnage central de ses joyeuses pantomimes. À l'ouverture de la saison 1882, il fut promu au poste clé de Régisseur général : il était maintenant en charge des artistes, du personnel de piste, des répétitions et des représentations. Durant son temps libre, il formait également de jeunes écuyères de panneau(French) A flat, padded saddle used by ballerinas on horseback., comme les Sœurs Cardinale, qui se produiront au cirque en 1885.

Quant à Jeanne Fernando, épouse de Louis, elle avait fait ses débuts en 1881 comme écuyère de haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School) au Cirque d'Amateurs alors très en vogue qu'Ernest Molier présentait chaque année dans son hôtel particulier parisien de la rue de Bénouville, dont la cour avait été transformée en petit cirque privé. Jeanne avait été formée à l'équitation par son mari, selon la méthode de Baucher, et était devenue une excellente écuyère. « Madame Louis Fernando » devint une personnalité équestre du cirque de son mari, mais elle ne s’y produisait que par intermittence : sa santé était fragile, ce qui l'éloignait souvent de la piste pendant de longues périodes.

Compétition

La façade du Nouveau Cirque rue Saint-Honoré (1904)
Le 12 février 1886, un cirque flambant neuf, le Nouveau Cirque de Joseph Oller, ouvrit ses portes rue Saint-Honoré, au centre du Paris mondain, à deux pas de la place Vendôme. C'était un cirque révolutionnaire : sa piste pouvait s'abaisser dans le sol pour laisser apparaître un bassin d'eau—le tout premier cirque équipé d'un tel dispositif. Il avait aussi une salle somptueuse et confortable (avec des fauteuils de théâtre rabattables) conçue par l'architecte de Fernando, Gustave Gridaine. Mais la façade et le somptueux hall d’accueil étaient l'œuvre de Charles Garnier (1825-1898), le célèbre architecte de l'extravagant Opéra de Paris, ce qui conférait au lieu un cachet supplémentaire.

Outre son élégance et son cadre cossu, qui en feront rapidement le cirque de prédilection de la haute-société, le Nouveau Cirque avait réuni une brillante compagnie d'artistes, parmi lesquels se trouvait un groupe de clowns très talentueux : George Foottit, Alexandre Pierantoni, et Tony Grice avec son jeune apprenti, l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. noir Chocolat. Le Nouveau Cirque faisait également bon usage de son bassin d'eau avec des pantomimes comiques qui se terminaient inévitablement par un grand plouf dans la piscine ! Les nouveautés et la comédie avaient été jusqu'à présent ce qui distinguait le Cirque Fernando du Cirque d'Hiver des Franconi, plus axé sur le cirque équestre ; à présent, Fernando devait faire face, dans son domaine particulier, à une concurrence sérieuse de la part d'un cirque mieux situé et, d'une certaine manière, plus attrayant.

Les affaires de Louis Fernando restèrent néanmoins bonnes, car il s'en tint aux recettes qui avaient fait son succès. Bien que George Foottit fût un clown plus célèbre que Medrano aux yeux du public, Boum-Boum attirait toujours un public fidèle boulevard de Rochechouart. Puis, à la fin de l'été 1887, le Cirque Fernando itinérant cessa ses activités (Fernando Beert prit probablement sa retraite peu de temps après). À l’été 1888, le cirque du boulevard de Rochechouart resta ouvert trois jours par semaine ; le reste du temps, Louis Fernando donnait des cours d'équitation et de voltige équestre sur la piste. Les temps changeaient, et pas pour le mieux…

En janvier 1889, le Cirque Fernando proposa En Selle pour la Revue, une revue humoristique commentant les événements de l'année précédente—la fonction originelle des revues, une forme théâtrale très à la mode alors—spécialement écrite pour « Boum-Boum » Medrano à sa demande par deux librettistes bien connus, Surtac et Alévy (Gabriel Astruc, 1864-1938, et Armand Lévy, 1859-1935). Boum-Boum en était le compère traditionnel (un mélange de maître de cérémonie et de chansonnier), et Louis Fernando, jouant son propre rôle, était son faire-valoir. Ce fut un immense succès qui resta à l'affiche pendant trois mois, malgré la présence controversée dans la distribution de La Goulue (Louise Weber, 1866-1929), la sulfureuse danseuse de cancan immortalisée par Toulouse-Lautrec.

Pourtant, boulevard de Rochechouart, tout n'était pas rose au « cirque rose » (comme le surnommera plus tard le chroniqueur du cirque Serge, en référence à ses couleurs chaudes qu'il affectionnait particulièrement). La situation financière de Louis Fernando devenait de plus en plus ingérable. Autant était-il attaché au cirque qui l'avait rendu célèbre, Geronimo Medrano était, par sa position de régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) général, bien conscient de la situation financière de Fernando, et il ne voyait pas un avenir radieux pour lui dans son cirque. En mai, à la fin de la saison, il quitta le Cirque Fernando; en août, Boum-Boum faisait ses débuts au Nouveau Cirque, rue Saint-Honoré.

Le déclin de Fernando

Avec la défection de Medrano, Fernando perdait l'un de ses principaux atouts. Bien que Boum-Boum Medrano connut un bon succès comme clown au Nouveau Cirque, il était néanmoins éclipsé par George Foottit, qui avait commencé à faire équipe régulièrement avec Chocolat ; ensemble, Foottit et Chocolat deviendront les enfants chéris des Parisiens, et le resteront pendant une décennie entière. Mais Medrano avait fait un bon choix : en 1892, Raoul Donval, le tout-nouveau directeur du Nouveau Cirque, qui appréciait les nombreux talents de Geronimo, lui confia le poste de Régisseur général—le poste qu'il avait occupé pour Louis Fernando, mais cette fois dans un environnement financier beaucoup plus sain.

Quant à Louis Fernando, il connut la même année un immense succès avec sa pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). Les Marins de Cronstadt, mais il eut un échec retentissant peu après avec une autre pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances)., Robert Macaire, qu'il garda néanmoins à l'affiche pendant deux mois, ce qui laisse à penser qu'il n'avait rien d'autre à proposer. Quoi qu'il en soit, les programmes de Fernando restaient dans l'ensemble attrayants, avec leur mélange habituel de nouveautés et de pantomimes comiques, qui rivalisaient toujours efficacement avec les menus équestres traditionnels que servaient les deux cirques parisiens des Franconi.


Jeanne Fernando, écuyère (c.1890)
Pourtant, le cirque équestre traditionnel, dont les Franconi étaient les champions indéfectibles, perdait peu à peu de leur attrait : le gigantesque Hippodrome de l'Alma, temple des grands spectacles équestres, dut fermer ses portes fin 1892, et fut démoli en 1894. Cette année-là, le baron Pierre de Coubertin avait formé le Comité International Olympique, et l'Automobile Club de France était créé l'année suivante : les sports et la gymnastique (c'est-à-dire l'acrobatie) étaient en plein essor, et l'automobile allait remplacer le cheval. Dans ce contexte, la formule du cirque de Louis Fernando était bien adaptée à son époque ; il devait néanmoins toujours composer avec le Nouveau Cirque et faire face à des échéances financières qui le rattrapaient rapidement.

Pour aggraver les choses, Jeanne Fernando décéda le 8 mai 1894 d'une « terrible maladie, » probablement la tuberculose, pour laquelle il n'existait pas de remède à l'époque et dont le nom effrayant, comme celui de cancer, était toujours passé sous silence. Jeanne n'avait que trente-six ans et Louis Fernando était dévasté. Il ferma son cirque et loua le bâtiment pour une saison d'opérettes ; le cirque prit le nom de Théâtre Parisien. Il reprit finalement ses activités de cirque en décembre avec la Troupe Rancy-Loyal dans un spectacle initialement réalisé par Alphonse Rancy pour son cirque stable de Lyon. Louis Fernando, lui, était introuvable.

La troupe Rancy-Loyal occupa donc le Cirque Fernando, renouvelant régulièrement ses spectacles, jusqu'au printemps 1895. Puis le cirque fut de nouveau loué pour une saison estivale de variétés, et prit le nom de Concert d'Été. Finalement, à la fin de l'été, il fut entièrement rénové, équipé, comme au Nouveau Cirque, de fauteuils de théâtre et d'un tapis de coco dans sa piste, et il rouvrit en septembre 1895 sous la direction de Louis Fernando. Malgré des programmes louables renouvelés chaque mercredi, Louis Fernando eut du mal à reconquérir son public ; il fut même obligé de baisser ses prix.

À cette époque, la Banque Bouley et Cie, la banque des Fernando, s'était depuis longtemps délesté des propriétés qu'elle avait héritées des transactions initiales des Fernando lors de la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." du cirque. Le 25 octobre 1897, son nouveau propriétaire, qui n'avait manifestement pas été payé par Louis Fernando, son locataire, fit savoir que la totalité de la propriété, terrain et murs, serait vendue aux enchères : Louis Fernando avait pris la clé des champs ! La presse annonça que la vente aurait lieu début novembre. Ce qui s’est exactement passé après n'est pas connu ; la vente, si elle a eu lieu, n'a pas été rapportée publiquement. Quoi qu'il en soit, le cirque fut fermé et une pancarte placée sur sa porte annonçait : « À louer ».

On découvrit bien plus tard que Louis Fernando s'était remarié avec Marie Vennekens le 3 octobre 1897 à Courbevoie, en banlieue parisienne, peu de temps avant l'annonce de la vente de son cirque ; après la mort de celle-ci, il se maria une troisième fois, le 28 octobre 1900, avec Estelle Ganthey. Louis Fernando avait alors disparu de la scène publique—et du monde du cirque. Personne ne nota sa mort à Paris, le 26 février 1917 ; il habitait à l'époque rue Danrémont, non loin de Montmartre. La tombe de Fernando-Beert au Cimetière de Montmartre ne mentionne que son épouse, Jeanne, et leur fils, Gabriel. Sa mère et son beau-père s'étaient retirés depuis longtemps à Bruges, en Belgique, où Fernando Beert est décédé le 30 décembre 1902.

Ainsi, en novembre 1897, la saga du légendaire Cirque Fernando avait pris fin. Ou l'avait-elle vraiment ?

LE CIRQUE MEDRANO (1897-1962)

Geronimo Medrano, comme tous les gens de cirque, avait suivi avec inquiétude le long déclin du Cirque Fernando, mais pour lui, l'annonce de sa disparition touchait une corde sensible. Il avait passé quinze ans chez Fernando, avait vu naître le cirque sur le boulevard de Rochechouart et était devenu célèbre dans sa piste ; à part Louis Fernando, personne n'avait été plus responsable de son succès que lui. Pendant sept ans, en tant que Régisseur général, il en avait également géré son fonctionnement quotidien : il connaissait ce cirque par cœur. Geronimo Medrano venait de diriger l'éphémère Hippodrome du Champs de Mars (1894-1897) de Raoul Donval, avenue Rapp ; il approchait de la cinquantaine, et il pensait qu'il était peut-être temps d'essayer d’autres aventures…

« Boum-Boum » Medrano, directeur de cirque

Soudainement, en décembre 1897, on apprit que Geronimo Medrano était le nouveau locataire du cirque du boulevard de Rochechouart, qui avait été immédiatement rebaptisé Cirque Medrano. Medrano, bien conscient que le temps pressait s'il voulait s'emparer du Cirque Fernando vacant, avait agi rapidement. Afin d'obtenir un bail à long terme (le loyer annuel était de 40 000 francs, soit environ 128 000 € aujourd'hui), il avait entraîné dans l'aventure son vieil ami Emilio Maîtrejean, acrobate et casse-cou(French) A front, or forward, somersault. à la retraite (et fils de l'ancien régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) du Cirque Napoléon, qui avait mis ses économies à sa disposition.

Geronimo Medrano (c.1900)
Financièrement, l'opération aurait pu être risquée, comme l'ont bien montré les mésaventures de Fernando, d'autant plus que Medrano n'avait pas eu le temps d'explorer d'autres sources de financement. Cependant, deux facteurs avaient influencé sa décision : d'une part, le Cirque des Champs-Elysées était moribond et le Cirque d'Hiver en plein déclin, ce qui limitait la concurrence sérieuse au seul Nouveau Cirque ; mais aussi Chamberlin, le studio photographique qui occupait les espaces encadrant la façade du cirque, était le locataire du cirque lui-même, et non du propriétaire du lieu, et Medrano percevrait donc le loyer de Chamberlin, dont le montant était d'environ 40 000 francs par an.… Geronimo signa donc un accord avec le propriétaire sans trop d'hésitation et emménagea dans l'appartement directorial au premier étage du cirque !

La presse se réjouit de diffuser la bonne nouvelle, souhaitant avec enthousiasme un grand succès au nouveau directeur. Contrairement à Louis Fernando, qu'ils avaient souvent critiqué comme un snob et un arriviste, le joyeux, affable et extraverti « Boum-Boum » Medrano avait une excellente réputation parmi les journalistes et critiques parisiens, et bien-sûr parmi les habitués du vieux Cirque Fernando. Le fait que le défunt Cirque Fernando soit désormais le cirque de Medrano semblait à tout le monde une conclusion logique. Et chacun en était convaincu, un cirque qui portait le nom de Medrano ne pouvait être qu'un cirque joyeux.

Ainsi, le Cirque Medrano ouvrit ses portes le 22 décembre 1897 devant un public enthousiaste, composé d'habitués du quartier et de la foule habituelle des amateurs de cirque parisiens, des journalistes et des artistes de tous bords. Le Directeur général était Emilio Maîtrejean, et la troupe incluait pour la saison les Fratellini—c'est-à-dire le remarquable acrobate à cheval François Fratellini, ses frères, les clowns Luigi et Paolo (Louis et Paul), et Les Gentlemen, le numéro d’acrobates excentrique et musicaux d’Albert et François. S’ils ne formaient pas encore le légendaire trio de clowns qui apparaitra après la mort de Louis en 1909, les frères Fratellini semaient cependant les graines d'une longue association avec le Cirque Medrano.

Il y avait d'autres clowns au programme, notamment Alexandre Pierantoni, un vétéran du Nouveau Cirque, « et son augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., » et les pantomimes comiques firent souvent partie du répertoire ; la première fut intitulée Le Barbier fin de siècle. Geronimo Medrano, cependant, ne jouait plus le rôle de clown : désormais directeur de cirque, il n'apparaissait que sporadiquement, généralement tenant la chambrière(French) Long whip customarily used by Equestrians for the presentation of horses "at liberty." (le long fouet du maître-écuyer), mais le spectacle portait son cachet distinctif et joyeux. Comme son prédécesseur, le Cirque Medrano donnait la priorité aux nouveautés et à la comédie, et changeait partiellement sa programmation chaque semaine, avec des représentations tous les soirs et des matinées les jeudis, samedis, dimanches et jours fériés.

Geronimo Medrano continua à garder ses portes ouvertes aux artistes du voisinage, suivant la tradition que Madame Fernando avait initiée. La création à Montmartre, au tournant du siècle, du légendaire Bateau-Lavoir, une maison communale d'artistes, amènera une nouvelle génération de jeunes peintres au Cirque Medrano : Pablo Picasso, Juan Gris, Georges Braque, Henri Matisse, Kees van Dongen, ainsi que de jeunes écrivains comme Jean Cocteau et Guillaume Apollinaire, pour ne citer que ceux-là. Comme leurs prédécesseurs, ils contribuèrent au maintien du déjà légendaire cirque montmartrois sous les feux de l'actualité.

Cirque Medrano (c.1898)
Contrairement à Fernando, ambitieux et insouciant, Medrano était financièrement conservateur. Il savait également attirer les bons numéros à un prix raisonnable : il était populaire et jouissait d'une bonne réputation dans le métier, et il était difficile de résister à sa personnalité enjouée. Le cirque avait affiché un bilan positif fin 1898. En 1899, ses revenus bruts avaient augmenté de 123.534 Francs. Après les interminables difficultés financières de Fernando, le propriétaire du terrain et des murs de Medrano put enfin dormir sur ses deux oreilles, et se retira dans l'ombre. Cette même année, Charles Franconi ferma le vénérable Cirque des Champs-Élysées, qui avait été, jadis, le cirque le plus couru de Paris.

Un nouvel Hippodrome ouvrit ses portes en mai 1900 sur la place de Clichy, non loin de Medrano. Il était censé profiter de la nouvelle Exposition Universelle, mais cet évènement ne s'avéra pas l'aubaine que les cirques parisiens avaient espéré. Immense arène conçue pour les spectacles équestres, l'Hippodrome était peut-être trop grand pour être rentable : il finira par fermer en 1907. (Il fut transformé et devint la plus grande salle de cinéma d'Europe, le Gaumont Palace.) En 1906, un autre cirque fut construit sur la rive gauche de Paris, avenue de la Motte-Piquet, l'énorme Cirque Métropole, qui souffrira également de sa taille, mais restera actif avec des hauts et des bas jusqu'en 1930. Et il y avait toujours, bien sûr, le Cirque d'Hiver et le Nouveau Cirque.

Paris était devenue et restera jusque dans les années 1950 la capitale européenne du cirque. Malgré une forte concurrence, le Cirque Medrano tint bon, et alors que tous ses concurrents connurent des périodes difficiles qui les virent se transformer parfois en salles de cinéma ou en théâtres, Medrano ne cessa jamais d'être un cirque. Il avait des qualités que ses concurrents ne pouvaient vraiment pas égaler : sa chaleur et son intimité, un manque de prétention qui reflétait bien la personnalité de son populaire fondateur, une grande variété d'offres, des clowns qui pouvaient briller dans un environnement qui leur convenait parfaitement, et peut-être pour toutes ces raisons, il avait de fervents partisans. Bientôt, le cirque du boulevard de Rochechouart devint simplement connu sous le nom de « Medrano » : les Parisiens « allaient à Medrano, » un nom familier qui était devenu synonyme de cirque et n'avait pas besoin de qualificatifs.

Changement de garde

Le 5 juillet 1892, alors qu'il travaillait encore au Nouveau Cirque, Geronimo Medrano avait épousé Charlotte Blanche Lippold (1854-1905). Ils formaient un couple solide, même si Blanche ne put donner d'héritier à Geronimo. Le 18 août 1905, à cinquante et un ans, Blanche Medrano décéda subitement ; Geronimo en fut dévasté. Il avait cinquante-six ans (à une époque où l'espérance de vie moyenne des hommes était d'environ cinquante ans), il n'avait pas de successeur et il pensait que sa vie était soudain devenue stérile. Il jouissait pourtant d'un solide soutien au cirque chez ses amis proches : le fidèle Emilio Maîtrejean, Thomas Hassan, son régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal), et « Monsieur Émile » (Émile Laurent) son contrôleur. Ils l'aidèrent à traverser une période très difficile.

Rico et Alex (c.1905)
Sa situation s'améliora au début de 1906, lorsque Geronimo trouva une confidente chaleureuse en la personne de Berthe Perrin (1876-1920), une couturière de trente ans qui était de vingt-cinq ans sa cadette. Leur amitié finit par se transformer en liaison et, le 18 mai 1907, Berthe donne naissance à un fils, Jérôme (1907-1998). La dynastie Medrano était finalement relancée et Geronimo était ravi. Il épousa Berthe le 28 août et légitima son fils. De toute évidence, Berthe était une personne douce et attentionnée, mais ses origines modestes et sa vie difficile en avaient fait une femme forte qui savait s'occuper de ses affaires. Même si elle n'était pas une femme de cirque, Berthe Medrano s'avéra être une excellente partenaire pour Geronimo.

En 1908, Medrano engagea un nouveau duo de clowns, Antonet et Grock. Grock avait remplacé l'ancien partenaire d'Antonet, le célèbre et immensément créatif Little Walter, dont il avait copié l'apparence, pour interpréter l'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. musicale que Walter avait créée avec Antonet. La pièce, avec quelques ajouts et beaucoup d’étirements, fera de Grock une star. L'année suivante, Louis Fratellini mourut à Varsovie d'une épidémie de variole, et ses frères, François, Paul et Albert unirent leurs forces et formèrent un trio de clowns pour aider à soutenir la veuve et les nombreux enfants de Louis. Si ces deux noms, Grock et Fratellini, seront longtemps associés à Medrano, les stars clownesques du cirque étaient alors les talentueux et populaires clowns espagnols Rico et Alex Briatore, qui feront les beaux soirs du boulevard de Rochechouart de 1910 à 1914.

Clowns préférés des Parisiens, Rico & Alex avaient réussi à supplanter Foottit & Chocolat, les vedettes du Nouveau Cirque, dont l'association touchait à sa fin. Medrano était désormais devenu le cirque préféré des Parisiens. Le Cirque d'Hiver avait été transformé en l'une des pires salles de cinéma de Paris en 1907 ; il fut suivi pendant quelques mois, au début de 1908, par le Cirque Métropole, bien que celui-ci rouvrît rapidement ses portes en tant que cirque sous une nouvelle direction (et avec un nouveau nom : Cirque de Paris). Quant au Nouveau Cirque, il avait amorcé son long déclin. Medrano avait géré intelligemment le succès naissant du cinématographe : de 1912 jusqu'à la fin de la Première guerre mondiale, ses programmes se terminaient par une courte projection de l'American Vitograph, qui se mua vite en « Médranograph. » Autre témoignage des temps : Geronimo avait installé l'éclairage électrique.

Même si tout allait bien pour son cirque, il n'en était pas de même pour Geronimo Medrano. À la fin des années 1910, il fut victime d'un accident vasculaire cérébral qui le laissa partiellement paralysé. Néanmoins, il continua courageusement à diriger son cirque jusqu'au 27 avril 1912, date à laquelle il mourut subitement d'une crise d'urémie ; il avait soixante-deux ans ; son fils Jérôme, qui n’avait malheureusement eu que très peu de temps pour bien connaître son père, n'avait que cinq ans. Geronimo lui avait légué le Cirque Medrano.

Le Cirque de Berthe Medrano

Berthe et Jérôme Medrano avec Rodolphe Bonten (c.1918)
Géronimo « Boum-Boum » Medrano fut inhumé auprès de sa première épouse, Blanche, après la mort de laquelle il avait commandé un mausolée au cimetière de Montmartre. Une foule nombreuse l'accompagna jusqu'à sa dernière demeure. Quant à Berthe Medrano, elle tenait à conserver l'héritage de leur fils ; sans hésitation, elle reprit la direction du cirque qui portait son nom et celui de son fils. Elle laissa aux associés de son défunt mari, Emilio Maîtrejean et Thomas Hassan, le soin de diriger son fonctionnement quotidien et demanda à un ancien acrobate en qui elle avait confiance, Rodolphe Bonten (1869-?), de l'aider à monter les spectacles. Quant aux finances du cirque, elle en prit le contrôle total. Pour que les choses soient claires, Jérôme Medrano, cinq ans, vêtu du traditionnel habit bleu des régisseurs, se tint à la « barrière(French) The line of uniformed artists and assistants who, in the old equestrian circus, stood at attention at the ring entrance to assist their fellow performers if needed. When seen today, the Barrière is usually made of the Ring Crew. » (l’entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. de la piste) lors de certaines matinées.

Berthe Medrano se révéla une bonne administratrice, et l'équipe qui l'entourait était très compétente. Les affaires allaient toujours bien. En 1912, l'année de la mort de Geronimo, le Cirque de Paris ferma à nouveau ses portes et devient une salle de théâtre et de boxe. La situation politique en Europe était tendue ; L'empereur Guillaume II d'Allemagne adoptait une attitude agressive et les Parisiens, qui n'avaient pas oublié la guerre de 1870, étaient nerveux. En septembre 1913, le Nouveau Cirque débuta sa saison avec des matinées seulement, trois jours par semaine, le jeudi, le samedi et le dimanche. En octobre, le Cirque de Paris, devenu Le Palace, s'était à nouveau transformé en salle de cinéma. Medrano se portait pourtant toujours bien, même si Emilio Maîtrejean, qui avait contribué à son succès—et même à son existence—avait décidé de prendre sa retraite, au grand chagrin de tous.

Au printemps 1914, Rodolphe Bonten engagea le nouveau trio de clowns composé de François, Paul et Albert Fratellini, qui venait d'obtenir un grand succès au Circo Parish de Madrid. Ils ne restèrent pas longtemps : le 28 juin, un jeune Serbe nationaliste assassina le prince héritier d'Autriche-Hongrie, l'archiduc François-Joseph ; L'Autriche lança un ultimatum à la Serbie, qui soutenait le yougoslavisme (le mouvement pour une identité nationale des Slaves du sud) ; le 28 juillet, l'armée autrichienne envahit la Serbie, ce qui, en raison du tissu(French) A double piece of hanging fabric, generally made of silk, used for an aerial act. (See also: Fabric, Silks) complexe des alliances européennes, déclencha la Première guerre mondiale. Le 3 août, l'Allemagne, principale alliée de l'Autriche, déclara la guerre à la France ; Les cirques et théâtres de Paris fermèrent leurs portes. Les Fratellini retournèrent au Circo Parish, avec Rico et Alex.

Le Nouveau Cirque rouvrit en décembre 1914. La plupart des théâtres restèrent cependant fermés jusqu'au début de 1915. Puis, peu à peu, ils reprirent vie, comme le fit Medrano. La programmation des spectacles était devenue difficile car un grand nombre d'artistes masculins avaient été mobilisés et, bien que le cirque soit par essence international, la situation ne permettait pas de puiser dans le large réservoir d'artistes originaires d'autres pays qui étaient maintenant en guerre.

Les Fratellini (1932)
Comme la majorité de leurs collègues, les Fratellini n'aimaient pas William Parish, propriétaire du Circo Parish de Madrid (l'ancien Circo Price), et ils firent savoir à Bonten qu'ils étaient disponibles et prêts à revenir à Paris. À eux trois et leur défunt frère Louis, ils avaient une famille nombreuse à nourrir et comme, en plus, leur nationalité était peut-être un peu trop difficile à déterminer (Paul était né en Sicile, François à Paris et Albert à Moscou), ils avaient été exemptés du service militaire. Bonten sauta sur l'occasion.

Les Fratellini n'étaient pas seulement extrêmement talentueux, ils proposaient aussi quelque chose de nouveau : un trio de clowns. Jusqu'alors, les clowns travaillaient en solo, ou en duo clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team.-augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., comme Foottit et Chocolat, et bien d'autres après eux. Au traditionnel duo de François (le clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., charmant léger et gracieux) et Paul (un augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. bombastique), ils avaient ajouté Albert, qui avait développé un personnage extravagant et fantasmagorique, un augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. qui injectait une bonne dose de surréalisme dans tout ce qu'ils faisaient. De plus, les Fratellini disposaient d'un vaste répertoire d'entrées classiques et d'interludes musicaux auxquels la composition inhabituelle de leur équipe—et leur imagination—ajoutait un vernis de nouveauté.

À une époque où les Parisiens avaient besoin d'échapper à la réalité quotidienne d'une guerre apparemment sans fin, Medrano devint l'endroit où aller se détendre : il y avait toujours de bons clowns pour y rire dans une atmosphère chaleureuse et familière, mais les Fratellini apportaient quelque chose de plus : une évasion totale dans un monde réjouissant de pure fantaisie. Ils firent rapidement parler d'eux dans la capitale, et Medrano étant le cirque qu'il était, les journalistes, les artistes, et les écrivains parisiens transformèrent le trio en étoiles de première grandeur. Au fil du temps, Fernand Léger et une foule d'autres peintres les immortalisèrent, les journalistes relatèrent leurs moindres faits et gestes, les écrivains publièrent essais et livres sur eux, leur image fut utilisée pour la publicité de toutes sortes de produits, et (après la guerre) leur renommée finit par traverser les frontières. Et pendant tout ce temps, Medrano récoltait les fruits de leur gloire.

Les Années Bonten

À la fin de la Première guerre mondiale, le 11 novembre 1918, Medrano entra dans une ère de grande prospérité. Le Cirque d'Hiver et le Cirque de Paris étaient toujours inactifs et le Nouveau Cirque tentait désespérément de survivre. Medrano était devenu « Le cirque de Paris, » un slogan qu'il gardera jusqu'à la fin. En 1918, Fernand Léger (1881-1955) réalisait son tableau néo-cubiste Le Cirque Medrano, premier d'une série d'œuvres sur le cirque. Les Fratellini étaient toujours les enfants chéris de Paris et continuaient à attirer les foules boulevard de Rochechouart ; les habitués y retournaient chaque semaine pour voir quelle nouvelle entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. allaient proposer ces clowns très imaginatifs.

Bario, Dario et Rhum
Pourtant, tout n’allait pas si bien. Berthe Medrano était malade ; elle avait été diagnostiquée d'un cancer. En janvier 1918, elle confia la direction du cirque à son fidèle et compétent bras droit, Rodolphe Bonten, et partit se reposer dans une villa qu'elle avait achetée à Nice. Jérôme avait onze ans, et elle se devait d'assurer son éducation et son avenir : le cirque était maintenant le sien, et Berthe voulait qu'il le reste ! A son retour dans la capitale, elle eut une longue discussion avec Bonten, et le 20 juin 1918, Rodolphe Bonten et Berthe Medrano se marièrent à la Mairie du 9e arrondissement de Paris. C'était avant tout un mariage de convenance : Rodolphe, en tant que beau-père de Jérôme, devenait son tuteur légal, et pour l'heure, le Cirque Medrano restait une affaire de famille—avec ou sans Berthe.

Rodolphe Bonten était un homme honnête, sans ostentation ni ambition personnelle, et un producteur compétent. Artistiquement, il n'était pas très imaginatif, mais il savait ce qui marchait pour Medrano, et le cirque continua à prospérer sous son règne. Son seul défaut, selon Louis Merlin, qui était un habitué de Medrano, était son habitude de jouer nerveusement avec les pièces de monnaie qu'il avait dans ses poches chaque fois qu'il voyait une artiste séduisante sur la piste. S'il avait un œil pour les jolies femmes, il avait aussi un bon œil pour les numéros intéressants, ainsi que pour les clowns : à côté des Fratellini, des clowns légendaires comme Antonet et Béby, les Dario-Bario, Porto, et Rhum devinrent des stars du cirque parisien sous son règne.

Bien qu'il fût un cirque stable, le cirque Medrano avait une telle réputation dans toute l'Europe qu'en 1920, le directeur autrichien Ludwig Svoboda renomma son Zirkus Lajos, Cirque Medrano de Vienne. Comme il n'existait à l'époque aucune protection de marque entre les pays européens, Medrano devint une enseigne populaire en Autriche—et en Europe de l'Est, où le cirque de Ludwig Swoboda voyageait régulièrement—et plus tard en Italie lorsque l'enseigne de Swoboda fut rachetée en 1972 par la famille Casartelli.

Berthe Medrano décéda finalement le 30 août 1920, laissant à Rodolphe Bonten la responsabilité du cirque—et celle de son fils, devenu orphelin à l'âge de treize ans. Berthe fut inhumée auprès de Geronimo au cimetière de Montmartre, et Bonten devint de facto le tuteur de Jérôme ; à son honneur, il veilla à ce que Jérôme reçoive une excellente éducation dans les meilleurs établissements possibles. Il emmenait également Jérôme visiter des cirques pendant les vacances scolaires, mais bien qu'ils vécussent tous les deux dans l'appartement de Medrano et que Jérôme était ainsi immergé dans la vie du cirque, Bonten évitait de l'impliquer de quelque façon que ce soit dans les affaires de la société. Comme beaucoup d'enfants devenus orphelins à l'adolescence, Jérôme ressentait un beau-père que seul le destin lui avait imposé, et qui ne lui apportait apparemment pas le genre d'affection et d'intérêt parental dont il avait besoin.

Pourtant, Bonten veilla à ce que le cirque de Jérôme continuât de prospérer. En 1921, le Cirque de Paris rouvrit enfin ses portes sous une nouvelle direction, puis, en 1923, Gaston Desprez reprit le bail du Cirque d'Hiver et lui redonna le lustre qu'il avait perdu. Puis, en 1924, Oscar Dufresne et Henri Varna transformèrent le vaste Théâtre de l'Empire en un « Music-Hall Cirque, » une salle de variétés qui mettait en exergue des numéros de pur cirque, sur le modèle du célèbre Wintergarten de Berlin. Il y avait désormais cinq cirques en activité à Paris (si l'on inclue l'Empire, qui officiait sur le même terrain). Même si le Nouveau-Cirque et le Cirque de Paris ne présentaient pas une grande menace pour Medrano, le Cirque d'Hiver et l'Empire devinrent rapidement de sérieux concurrents. Medrano avait encore les Fratellini, qui connurent un énorme succès en 1923 avec une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). intitulée Les tribulations d'un travailleur, mais pas pour longtemps.

Porto, Cairoli et Carletto
A la fin de la saison 1924, les Fratellini demandèrent une augmentation à Bonten. Bonten prit alors une décision fort peu judicieuse : il refusa de changer leur contrat ; Gaston Desprez sauta sur l'occasion et offrit aux Fratellini ce qu'ils demandaient et bien plus encore : il les nomma directeurs artistiques du Cirque d'Hiver, titre purement honorifique mais qui leur fit une très bonne publicité, tout comme pour le Cirque d'Hiver. Même si les Fratellini ne retrouvèrent pas dans ce cirque le type de public qu'ils avaient eu à Medrano (en termes de qualité et de prestige), ils n'en étaient pas moins extrêmement populaires, et Desprez avait réalisé un grand coup. Bonten vit les résultats de sa bévue au début de la saison 1924-1925 lorsque les recettes de Medrano montrèrent une baisse significative.

Un certain soulagement survint en avril 1926 lorsque le Nouveau Cirque, en difficulté depuis longtemps, ferma finalement ses portes—même si cette fermeture profita probablement davantage au Cirque d'Hiver qu'à Medrano. Pendant ce temps, Jérôme Medrano effectuait son service militaire à Saint-Cyr l'École, près de Paris. L'année suivante, Grock était la vedette de l'Empire (il avait depuis longtemps quitté la piste de cirque pour les scènes de variétés, bien plus lucratives), tandis que Medrano lançait deux nouveaux trios de clowns, les Dario-Bario, qui avaient adjoint à leur groupe le remarquable et talentueux augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Rhum, et Cairoli, Porto et Carletto. Medrano restait l'endroit idéal pour mettre en valeur les clowns de talent, et s'il avait perdu les Fratellini, le cirque avait un public fidèle qui appréciait les bons clowns, et qui remplissait toujours la salle s'il pouvait y passer un bon moment.

Puis, le 18 mai 1928, Jérôme Medrano atteint sa majorité. Il avait auparavant affirmé vouloir poursuivre ses études et devenir officier dans la marine marchande. Mais soudain, tout changea, de façon assez radicale. Le 4 juin, à la surprise générale (Jérôme lui-même avoua plus tard que c'était sur un coup de tête), il épousa la belle Rachel Baquet, dont le père avait travaillé au Cirque Palisse comme administrateur et possédait un café à proximité du Cirque Medrano, dont il avait également la concession du bar.

Puis, dix jours plus tard, le 14 juin 1928, Jérôme Medrano prit officiellement possession de son cirque et licencia Rodolphe Bonten, à qui il offrit une généreuse indemnité de départ. Bonten, certainement un peu secoué, disparut complètement de la scène. Avant que quiconque puisse reprendre son souffle, Jérôme était aux commandes et le Cirque Medrano entrait dans une nouvelle ère. Il nomma sa nouvelle épouse, Rachel, codirectrice (née dans le cirque, sa famille pouvait leur apporter de l'aide) ; la presse surnomma le jeune couple « les plus jeunes directeurs de cirque d'Europe. »

Jérôme Medrano entre en scène

Avec Bertram Mills et ses fils, Cyril et Bernard en Angleterre, John Ringling North aux États-Unis et, avant eux, Hans Stosch en Allemagne, Jérôme Medrano appartenait à une race non conventionnelle de directeurs de cirque qui avaient reçu une solide éducation académique, et dont les intérêts culturels et les liens sociaux s'étaient développés en dehors du monde du cirque, mais qui lui montrèrent un véritable enthousiasme, incité par un mélange d'intérêt personnel et d'inclination artistique. Ils changèrent l’image du cirque dans leurs pays respectifs et au-delà.

Jérôme Medrano (c.1952)
Jérôme Medrano hérita une entreprise en bonne santé, artistiquement couronnée de succès et financièrement stable, des conditions qu'il devait à sa mère, Berthe Medrano, et à Rodolphe Bonten. Bien qu'il eût passé son enfance et la majeure partie de son adolescence entre les murs de son cirque, Jérôme ne connaissait pas grand-chose de sa gestion quotidienne, mais il découvrit bien-sûr rapidement qu'il n'en était pas propriétaire. Jérôme se mit néanmoins au travail et commença par honorer tous les contrats signés par son beau-père pour la saison à venir (qui comprenait, comme d'habitude, quelques-uns des meilleurs artistes—et clowns—du moment).

Jérôme avait cependant du mal à accepter le fait que Bonten avait refusé de modifier le contrat des Fratellini, qu'il connaissait depuis l'enfance, et il n'hésita pas à l'invoquer comme la principale raison pour le licenciement de son beau-père. Il s'entoura ensuite d'un mélange d'anciens collaborateurs de Medrano, comme Thomas Hassan, le régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) du cirque, et de nouveaux venus comme le célèbre journaliste et chroniqueur de cirque André Legrand-Chabrier, qui devint le secrétaire général du cirque et prit en mains les relations publiques et la presse. La nomination de ce dernier à un poste clé, habituel dans les théâtres parisiens mais pas courant dans les cirques, fut le premier signe d'un nouveau style de direction.

Contrairement à la plupart de ses collègues qui se reposaient beaucoup sur les agents artistiques pour trouver de nouveaux talents, Jérôme Medrano visitait régulièrement les principaux spectacles de cirque et de variétés d'Europe et d'Amérique et effectuait sa propre recherche de talents. En janvier 1929, alors que la saison de Medrano battait son plein, Jérôme et Rachel Medrano se rendirent à Berlin pour visiter le célèbre Wintergarten, où se produisaient les meilleurs numéros de cirque et de variétés de l'époque. Ils firent ensuite un arrêt à Göttingen pour voir le mythique cirque Sarasani et rencontrer son légendaire directeur, Hans Stosch-Sarrasani. L'organisation innovante du cirque géant allemand, ses prouesses techniques et ses somptueux spectacles impressionnèrent beaucoup les Medrano. Après sa visite, Jérôme déclara que Sarrasani était la perfection en matière de cirque, le modèle dont devaient s'inspirer tous les cirques ambulants. Cette découverte de Sarrasani lui servit plus tard.

Après la fin de la saison 1928-29, en juin, le bâtiment du boulevard de Rochechouart fut entièrement rénové. Barbier-Daumont, décorateur bien connu dans le milieu du théâtre, peignit une série de fresques sur le pourtour de la salle, qui représentaient des scènes de la vie des Gens du voyage. Jérôme fit également installer quatre cabines sur le toit inférieur du bâtiment pour y abriter les projecteurs de poursuite et leurs opérateurs, et une cinquième poursuite fut installée derrière les places de loge, dans le foyer, là où se trouvait autrefois le projecteur du Médranograph. Julien Pavil (1897-1952) se vit commander deux grands tableaux : le premier, représentant des artistes faisant la parade sur l'estrade d'une baraque foraine, accueillait les invités dans le hall d'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. ; l'autre, représentant les plus célèbres critiques parisiens de cirque et de variétés, était exposé derrière le nouveau bar installé en coulisses.

Lorsque le cirque rouvrit le 9 septembre 1929, son programme avait été entièrement conçu par Jérôme Medrano. C'était un véritable événement parisien auquel assista le Tout-Paris : journalistes et principaux critiques, magnats de la presse et de l'industrie, stars et producteurs de théâtre et de cinéma, romanciers et auteurs de renom, hommes politiques avides de publicité, et tous ceux qui avaient un nom. Le programme incluait une multitude de numéros remarquables, y compris un spectaculaire numéro de trapèze volant de bâton à bâton de dix personnes, présenté sur deux portiques placés en croix, et créé spécialement pour Medrano par le maître du genre, Edmond Rainat, et une cavalerie(French) The ensemble of the horses in an equestrian circus. de dix-huit chevaux présentés par Ernst Schumann. Les clowns étaient Ilès et Loyal, et le trio Caïroli, Porto & Carletto, qui venait de signer un contrat longue durée.

En fin de soirée, sur la piste, Thomas Hassan fut décoré de la médaille d'Officier de l'Instruction Publique (qui a heureusement été remplacé depuis par l'Ordre des Arts et Lettres, une distinction plus appropriée !). Ce fut vraiment une soirée mémorable : le « Nouveau Medrano » de Jérôme était lancé !

L’âge d’or de Medrano

Le cirque rénové de Jérôme Medrano s'imposa comme un établissement moderne, où un spectacle au rythme effréné avec des numéros de premier ordre était présenté sous le meilleur jour possible, ce qui peut être pris au pied de la lettre, puisque les numéros étaient souvent isolés et bien mis en valeur par les éclairages, au lieu d'être présentés en pleins feux, comme ça avait été la norme depuis les lustres à gaz. Bien sûr, certains vieux amateurs nostalgiques d’une époque révolue se plaignirent que le cirque avait perdu son atmosphère d'origine et que le spectacle ressemblât à une production de music-hall au lieu du cirque aux traditions immuables auquel ils s'attendaient. Pourtant, ce changement de style était précisément ce qui ramena autour de la piste de Medrano un nouveau public, plus jeune et plus sophistiqué, dont l’intérêt pour les numéros de cirque avait été jusque-là satisfait par les music-halls, devenus très à la mode.

Enrico Rastelli pary M.J. Vesque (1930)
Jérôme Medrano, qui avait fréquenté la jeunesse cultivée et aisée de sa génération (notamment à l'École des Roches), était bien conscient de cette mutation. Il avait également l'intention de ramener à Medrano les meilleurs numéros de cirque qui avaient déserté les pistes pour les scènes des music-halls, plus confortables et lucratifs. Le clown Grock, qui avait appris l'essentiel de son métier à Medrano et que Jérôme connaissait depuis son enfance, était devenu une star internationale sur le circuit des variétés—un statut parmi les clowns que seuls les Fratellini avaient pu acquérir au cirque, sans en avoir obtenu toutefois les avantages financiers. Travaillant désormais exclusivement sur scène, Grock s’était considérablement enrichi, et plusieurs autres artistes de premier plan gagnaient bien mieux leur vie au music-hall qu’au cirque.

Jérôme n'avait pas été élevé comme un homme de cirque traditionnel, et personne ne lui avait appris à croire la loi tacite du monde du cirque qui proclamait que les artistes devaient accepter des salaires relativement bas s'ils voulaient du travail, ainsi que, bien souvent, un certain inconfort. Les meilleurs numéros de cirque qui pouvaient obtenir de meilleurs contrats et travailler dans des conditions plus confortables au music-hall avaient visiblement cessé de croire à ces vieux principes, un fait dont Jérôme était très coinscient, à l’inverse de nombre de ses collègues enfermés dans leurs traditions. En février 1930, il signa donc son premier contrat avec Grock, lui offrant le prix et les conditions dont il avait bénéficié à l'Empire, où il apparaissait régulièrement en tête d'affiche. C'était une proposition coûteuse, mais le numéro de Grock durait environ quarante minutes, ce qui économisait de toute façon quatre ou cinq numéros individuels—et son nom à lui seul était une assurance de vendre des billets.

Grock était très demandé dans toute l'Europe et ses débuts à Medrano durent attendre janvier 1931. Bien que l'agent de Grock fût son beau-frère, Dante Ospiri, les négociations eurent lieu à un niveau personnel entre Jérôme et Grock. Néanmoins, Jérôme avait apprécié le professionnalisme d'Ospiri et l’engagea comme agent artistique exclusif de Medrano. En avril 1930, le grand écuyer portugais de haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School) Roberto de Vasconcellos se produisit à Medrano. Vasconcellos, qui était un nouveau venu au cirque, n'aimait pas gérer ses propres engagements : il signa un contrat de dix ans avec Jérôme, faisant de lui son agent exclusif. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Jérôme enverra Vasconcellos au cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey aux États-Unis, où le célèbre écuyer devint une attraction(Russian) A circus act that can occupy up to the entire second half of a circus performance. incontournable pendant de longues années.

La saison 1930-31 s'ouvrit avec le retour à Medrano des clowns Antonet et Béby, et en octobre, le plus grand jongleur du monde, le légendaire Enrico Rastelli, fut la vedette du spectacle pendant cinq semaines consécutives. Bien qu'il fût né dans une famille de cirque, le phénoménal Rastelli s’était depuis converti au music-hall, où il occupait le haut de l’affiche et bénéficiait de cachets plus conséquents qu’au cirque. C'était la première fois que Rastelli apparaissait sur une piste de cirque en France. Le service de presse de Medrano, toujours aussi efficace, fit de cette occasion un événement exceptionnel, et le public se pressa pour voir Rastelli sur une piste. Jérôme le signa immédiatement pour un retour la saison suivante. Un autre coup fut, en décembre, la première apparition sur une piste de cirque du trapéziste et funambule travesti américain Barbette, l'une des plus brillantes vedettes de music-hall, et l’une des plus médiatisées, qui faisait alors fureur (et était l’enfant chéri de Jean Cocteau suivi par fine fleur homosexuelle de Paris). Pendant ce temps, en juin 1930, le Cirque de Paris, en difficulté depuis un bon moment, ferma définitivement ses portes.

En janvier-février 1931, Grock fit enfin sa première apparition en vedette à Medrano (« Pour la première fois sur une piste de cirque en 23 ans ! » disait le programme imprimé), et joua à guichets fermés durant les cinq semaines de son contrat. La politique de Jérôme s'avéra juste : il réalisa un profit substantiel malgré le coût de ces grands numéros de variétés et, surtout, il attira dans son cirque parisien un nouveau public qui trouva à Medrano une qualité de présentation identique à celle à laquelle les meilleurs music-halls les avaient habitués. Ils découvrirent en même temps des clowns et d'autres numéros qu'ils n'avaient jamais vus sur scène, dont certains devinrent rapidement de nouveaux favoris. Jérôme créait une clientèle moderne ainsi qu'une nouvelle génération de stars du cirque.

Barbette par Charles Gesmar (1926)
La saison 1931-32 vit également les débuts de Georges Loyal dans le rôle de régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) de piste ; il restera à Medrano jusqu'en 1939. Au fil des années, plusieurs membres de la vaste famille Loyal officièrent comme régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) dans divers cirques parisiens, et furent souvent cités comme exemples du parfait Maître de manège. Mais à Medrano, le régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal) était plus qu'un Maître de manège ou un simple présentateur ; il y était aussi le faire-valoir des clowns, et pendant huit longues années, tous les clowns vedettes de Medrano—et ils furent nombreux—eurent en piste Georges Loyal comme partenaire, auquel ils s'adressaient respectueusement en l’appelant, bien sûr, Monsieur Loyal(French) The régisseur or presenter of the show in a French circus. So called because of the many members of the Loyal family who occupied this position brilliantly in Parisian circuses.. Le nom, qui avait souvent illustré la fonction, finit par s’y attacher complètement—à tel point qu'avec le temps, le terme Monsieur Loyal(French) The régisseur or presenter of the show in a French circus. So called because of the many members of the Loyal family who occupied this position brilliantly in Parisian circuses. finit par devenir ce qui désigne en France le Maître de manège, ou le présentateur, quel que soit son nom.

Tout se passait donc bien, mais Jérôme était préoccupé par le statut du cirque qu'il occupait et dirigeait, et dont il n'était que locataire, bien que sans aucune autre contrainte que de payer son loyer. À un moment donné, le cirque et son terrain étaient devenus la propriété de la famille Saint, riche et puissante famille d'industriels picards qui dirigeait l'entreprise Saint Frères, premier fabricant français de toile de jute, de cordages, de bâches, et même de chapiteaux de cirque. Roger Saint, responsable du patrimoine familial, informa Jérôme que la propriété était en indivis, partagée entre les membres de la famille dont la plupart, satisfaits du revenu régulier qu'elle procurait, ne voulaient pas la vendre. Comme le loyer était relativement bas et que la famille ne s'immisçait en rien dans ses affaires, Jérôme dût se satisfaire de la situation.

En mai 1930, Jérôme Medrano effectua son premier voyage à New York, où il retrouva un ami proche, Maurice Chevalier, le célèbre chanteur français devenu star du cinéma hollywoodien. Ils visitèrent Ringling Bros. and Barnum & Bailey, qui jouait au Madison Square Garden, où Jérôme fit la connaissance de John Ringling North, un directeur de cirque de sa génération et au parcours similaire. Dans les années qui suivront, il y aura un échange constant de numéros entre Medrano et Ringling. Chevalier emmena ensuite Jérôme à Hollywood, où Jérôme (qui était passionné de cinéma) noua des contacts qui lui servirent plus tard. Parallèlement, en août, un nouveau système d'éclairage fut installé dans le cirque, comprenant des projecteurs équipés d'un système qui leur permettait de changer automatiquement de couleur, fixés sur les colonnes autour de la salle. C'était un véritable éclairage de théâtre, jusqu'alors inédit dans le monde du cirque.

Puis, lors d'un voyage de reconnaissance en Italie en 1931, Jérôme découvrit une famille de cirque italienne peu connue dont les membres étaient des écuyers exceptionnels, capables de présenter une grande variété de numéros. Il engagea la famille Cristiani pour toute la saison 1931-32. John Ringling North (ou un de ses agents) les vit chez Medrano et, deux ans plus tard, les Cristiani partirent travailler chez Ringling Bros. aux États-Unis, où ils s'installèrent et créèrent plus tard leur propre cirque. La saison 1931-32 vit également l'émergence du talentueux augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Rhum au rang de vedette clownesque, et les sauts périlleux sur le fil de Con Colleano firent grand effet et devinrent un sujet de conversation dans les salons branchés parisiens. Les clowns Andreu-Rivel, avec Charlie Rivel dans sa parodie de « Charlot au trapèze, » furent un autre succès cette saison. Fin février, Medrano présentait La Revue de Medrano, mise en musique par Maurice Yvain (1891-1945), qui tint l'affiche pendant cinq semaines avec grand succès, avant le retour de Grock en avril. Ce fut une excellente saison.

Expansion et innovations

En septembre 1932, Jean Coupan quitta le Cirque d'Hiver pour remplacer André Legrand-Chabrier au poste de Secrétaire général de Medrano : pour un homme de l'imagination et de l'énergie de Coupan, Medrano était en effet l'endroit idéal. La nouvelle saison fut marquée par les innovations. C'est ainsi que naquit le Club des Amis de Medrano, un embryon d'école de cirque pour enfants de huit ans et plus, qui connut un grand succès, et que le célèbre collectionneur de cirque Maurice Thomas-Moret organisa des expositions de gravures anciennes et d'objets rares de sa collection exceptionnelle dans le foyer du cirque.

Le programme imprimé de Medrano devint un véritable magazine, avec des articles sur le cirque et les principaux artistes de chaque nouveau spectacle (désormais renouvelé toutes les deux semaines) ; Louis Merlin produisit une émission de radio régulière depuis Medrano, inspirée du magazine, avec interviews et informations concernant le cirque. Pour de nombreux amateurs du cirque, Medrano était devenu un clubA juggling pin. où ils se retrouvaient régulièrement autour de la piste, et dans le foyer au milieu des trésors de Thomas-Moret. Medrano n’était définitivement pas un cirque ordinaire.

En novembre, pour la première fois depuis la disparition du Nouveau Cirque, Medrano présenta une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). nautique, Le Cirque sous l'Eau, avec une armée de clowns, de jolies naïades dans un ballet aquatique, et un bataillon de seize show girls. L’équipement de la piscine avait été loué au cirque du célèbre dompteur Alfred Schneider en Allemagne. Le Cirque sous l'Eau fut un grand succès qui resta à l'affiche pendant trois mois. La légendaire écuyère Thérèse Renz (qui avait soixante-treize ans et n'avait pas été vue à Paris depuis 1900 !), le superlatif jongleur russe Massimiliano Truzzi et Con Colleano figuraient parmi les moments forts de la saison 1932-33.

La semi-construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." de Medrano (1932)
L'année 1932 fut encore une année marquante pour Jérôme Medrano : par l'intermédiaire de son beau-père, il racheta la semi-construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." d'Alexandre Palisse (1876-1932), récemment décédé. Le 30 septembre 1932, il la relança sous le nom de Cirque Medrano itinérant au Havre. Élégante et étonnamment confortable, Il s'agissait d'une construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." qui avait été créée pour voyager facilement—probablement la meilleure construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." en Europe après celle, beaucoup plus grande, de Sarrasani. Elle était chauffée, disposait d'un bon système d'éclairage, d'un tapis de coco dans la piste, et était élégamment équipée de fauteuils de théâtre à bascule, comme son homologue parisien. Elle était parfaite pour représenter l'illustre cirque Medrano de Paris dans les grandes villes de province, où la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." était érigée pour une durée de deux semaines à un mois à l'occasion de grandes foires régionales.

Jérôme veilla à ce que la programmation du Medrano itinérant reflète la qualité de ses spectacles parisiens. Le spectacle inaugural comprenait les clowns Dario-Bario, le célèbre numéro de trapèze volant de bâton à bâton des Zemganno, la danseuse acrobatique américaine Barbara La May, le spectaculaire numéro de jockeys des Ricono-Strula, et d'autres numéros de même calibre. La construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." Medrano tourna chaque année jusqu'à la fin de 1937 ; elle maintint l'itinéraire établi originellement par Palisse, visitant les mêmes villes aux mêmes périodes, et se constitua ainsi un public provincial fidèle.

En 1937, la vedette de son spectacle était Grock. Cependant, Grock n’était pas aussi connu dans les provinces françaises que dans les grandes capitales européennes comme Paris, Berlin ou Londres—ou en Allemagne, le pays de ses plus grands triomphes. La tournée ne répondit pas aux attentes et Grock, qui touchait un pourcentage des recettes et n'avait pas l'habitude de se produire devant des fauteuils vides (même s'ils étaient quand-même peu nombreux), rompit son contrat avant la fin de la tournée. Mais ce n'est pas ce contretemps qui poussa Jérôme à abandonner la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." à la fin de la saison. Sa fermeture fut liée à une autre aventure itinérante, qui fut malheureusement de courte durée, bien que de tous les projets de Jérôme Medrano c'eût été peut-être le plus prometteur, le chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. itinérant connu sous le nom de Medrano Voyageur.

Medrano Voyageur

La construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." Medrano avait permis à Jérôme Medrano de faire connaître son cirque hors des confins de la capitale française. Cependant, il n'avait réussi que sur le marché limité de quelques grandes villes : la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." n'avait pas été conçue pour des déplacements rapides et des séjours de courte durée, et son rayonnement resta donc limité. Jérôme voulait faire de Medrano une enseigne connue dans tout le pays et dans cet esprit, en 1935, il élabora les plans d'un spectacle sous chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. moderne, construit sur le modèle de ce qu'il considérait comme le meilleur et le plus avancé des cirques itinérants d'Europe, le Cirque Sarrasani.

Medrano Voyageur par M.J. Vesque (1936)
L'idée lui était peut-être venue un an plus tôt, lorsque Gaston Desprez, locataire du Cirque d'Hiver, perdit son bail et dut mettre en vente les équipements de son Cirque Fratellini itinérant. Jérôme réussit à l'acquérir l'ensemble à bon prix ; le matériel roulant avait besoin d'un sérieux rafraîchissement, ce qui n'était pas un problème majeur, mais le chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. était en mauvais état : Jérôme en commanda un autre auprès du premier fabricant européen de chapiteaux, Stromeyer à Constanz, en Allemagne—le fournisseur de Sarrasani. Jérôme avait souhaité adopter le nouveau montage de chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. introduit par Sarrasani, un chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. rond avec quatre mâts en carré, mais ses conseillers (la famille Baquet, qui avait les connaissances du cirque ambulant qu'il n'avait pas) l'en dissuadèrent, arguant que trop de places en France ne seraient pas assez larges pour accueillir un chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. rond de grande taille. Jérôme opta donc pour un chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. classique à quatre mâts en ligne.

Le nouveau Medrano Voyageur était un grand chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. blanc avec le nom Medrano apparaissant en lettres rouges de chaque côté de la partie centrale et sur les parties arrondies, et une façade en arc-en-ciel, pas aussi imposante que celle de Sarrasani, mais néanmoins suffisamment spectaculaire pour impressionner le public français. Le matériel roulant était peint en rouge, avec une bande jaune diagonale sur les flancs portant le nom Medrano en lettres rouges. Les barrières de clôture étaient également peintes en rouge et jaune, et il y avait un puissant générateur d'air chaud pour chauffer la tente pendant la saison froide. Tout était impeccable : les garçons de piste et le personnel d'accueil étaient vêtues d'uniformes rouges resplendissants ornés de brandebourgs dorées, et même l'équipe de monteurs portait des combinaisons uniformes, avec Medrano imprimé sur le dos. Mais contrairement à Sarrasani, le cirque Medrano Voyageur se déplaçait par train.

Plus remarquable encore était la configuration intérieure du chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. : il y avait une scène derrière la piste et l'orchestre de 20 musiciens était installé dans une « fosse d'orchestre » entre la scène et la piste—dont les entrées étaient situées de chaque côté de la scène. C'était une configuration très originale, bien que peu différente de l'ancien Amphithéâtre Astley ou du bâtiment du Royal Circus à Londres dans les années 1780 ! Cette configuration permettait un spectacle au rythme rapide (obsession partagée par Jérôme Medrano et Cyril Mills en Angleterre), avec des numéros ou des intermèdes présentés sur scène lors des changements de matériel en piste, et des numéros sortant de la piste d'un côté, tandis qu'un autre entrait de l'autre côté.

Le cirque débuta Porte d'Auteuil, à Paris, le 26 février 1936. Le programme offrait la haute qualité que l'on attendait de Medrano : des têtes d'affiche comme le dresseur de tigres Togare (« Le Valentino du Ring »), les clowns Cairoli, Porto & Carletto, les Clérans, alors le numéro aérien le plus en vogue de l'époque, les numéros équestres d'Henry Rancy et plusieurs grandes troupes acrobatiques, parmi bien d'autres attractions de grand renom. La soirée d'ouverture fut un immense succès, dûment salué par la critique parisienne, et la longue tournée provinciale qui suivit fut lucrative, avec une succession de représentations à guichets fermés dans les grandes villes comme Lyon et Marseille.

Togare (1937)
La famille de Rachel Medrano occupait des postes clés au sein des unités itinérantes. La jeune et séduisante co-directrice avait cependant ce qu'on appelle « un certain tempérament » ; son mariage avec Jérôme avait été une affaire précipitée qui n'avait pas été bâtie sur des bases solides. Il y avait des rumeurs sur les indiscrétions de Rachel, qui s’amplifièrent apparemment lorsque la tournée du chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top. lui offrit la possibilité de s'éloigner de l'immeuble parisien et de son mari. Elle trouva une relative liberté lors de ses escapades au cirque voyageur, où elle se sentait probablement à l’abri au milieu des siens. Jérôme avait peut-être aussi ses propres infidélités, mais elles étaient plus discrètes. En tout état de cause, le mariage de Rachel et Jérôme se désagrégeait rapidement.

Dans cette atmosphère empoisonnée, Medrano Voyageur commença sa deuxième saison le 20 février 1937, avec les Fratellini, désormais de retour chez Medrano, à la tête d'un programme copieux qui comprenait le célèbre dresseur de tigres Vojtech Trubka dont c’était le début en France, les Zemganno au trapèze volant, les numéros de équestres du prestigieux Cirque Carré des Pays-Bas, et en attraction(Russian) A circus act that can occupy up to the entire second half of a circus performance. invitée, le champion d'athlétisme Jules Ladoumègue, héros du sport français, qui se mesurait autour de la piste avec un cheval au galop. Les affaires allaient toujours bien et Radio Luxembourg, l'une des premières radios commerciales d'Europe, diffusa un documentaire radiophonique en quatre parties sur la vie quotidienne au sein du Cirque Medrano Voyageur.

Néanmoins, Jérôme remarqua que les relevés financiers qu’il recevait ne correspondaient pas toujours à ce qu'il voyait souvent : des salles bien remplies ! Il réalisa vite que les Baquet falsifiaient les comptes, et qu’une partie des revenus était détournée à leur bénéfice personnel. Jérôme Medrano était un homme impulsif, comme il l'avait déjà démontré lorsqu’il épousa Rachel sur un coup de tête, et lorsqu’il congédia brusquement son beau-père, Rodolphe Bonten. Il le démontra une fois de plus : le 5 août, il arriva sans prévenir au chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top., licencia sur-le-champ ses dirigeants (dont la plupart étaient des collaborateurs de Baquet), et ferma le cirque en pleine tournée.

Les artistes furent remerciés et Medrano Voyageur retrouva ses quartiers d'hiver de Saint-Denis, près de Paris. Six mois plus tard, en janvier 1938, après la dernière représentation contractuelle de la saison à Marseille, Jérôme ferma également la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction.". Les équipements des deux cirques furent immédiatement mis en vente. Quant à Rachel, elle fit ses valises et quitta l'appartement de la rue des Martyrs. Ce fut la fin de leur mariage.

Avant l’orage

Jérôme était désormais libre de concentrer son attention exclusivement sur son cirque parisien. Entretemps, le paysage avait commencé à changer de façon significative : en 1933, Gaston Desprez avait agrémenté la piste du Cirque d'Hiver d’un bassin d'eau comparable à la piste nautique du Nouveau Cirque. Il s'agissait d’un investissement important, qui fut malheureusement suivi par la production d’une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). très coûteuse montée autour des Fratellini, qui n’eut pas le succès escompté et dont les recettes ne furent pas assez importantes pour couvrir non seulement son coût, mais aussi la dette contractée pour la construction(French) A temporary circus building, originally made of wood and canvas, and later, of steel elements supporting a canvas top and wooden wall. Also known as a "semi-construction." du bassin. En juin 1934, criblée de dettes, la Société du Cirque d'Hiver, licencia Gaston Desprez et le bail du Cirque d'Hiver fut mis en vente au plus offrant.

Medrano la nuit (1938)
Les frères Amar, bien connus à Paris et propriétaires du premier cirque ambulant de France, avaient entamé des négociations, mais elles furent court-circuitées par les frères Bouglione, qui avaient débuté comme eux avec une ménagerie ambulante avant de faire fortune avec un fallacieux « Cirque Buffalo-Bill » qui les propulsa sur le devant de la scène du cirque français. Le Cirque d'Hiver rouvrit donc pour la saison 1934-35 sous la direction des Bouglione, et les Fratellini, qui n’avaient pas été inclus dans les négociations, reprirent leur liberté.

Pour ne pas être en reste, les Amar prirent la direction l'année suivante (1936) de l'Empire. Ces événements ne préoccupèrent pas immédiatement Jérôme. Medrano continua à présenter de grands numéros de variétés rarement vus au cirque, comme Joe Jackson, « Le voleur de bicyclettes, » ou à révéler des artistes extraordinaires qui firent leurs débuts parisiens (et français) sur sa piste, comme l'acrobate indien à la corde élastique Kannan Bombayo.

En juin 1934, Jérôme installa dans la salle de nouveaux fauteuils plus confortables, semblables à ceux utilisés dans les salles de cinéma. Les clowns, comme toujours, restaient l’atout-maître de Medrano ; en 1936, Jérôme Medrano proposa une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances)., Rhum à Rome, qui mettait en vedette le désormais célèbre augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Rhum, son partenaire, le clown Manetti, et un autre duo de clowns très populaire, Alex et Porto. La pièce incluait également les éblouissantes Bluebell Girls, qui, après la Seconde Guerre mondiale, deviendront le groupe de danseuses emblématique du légendaire Lido de Paris.

Jérôme récupéra les Fratellini pour la saison 1936-37—ce qui fut considéré dans la presse comme un événement majeur—et il engagea le populaire chansonnier Jean Granier pour présenter les numéros avec des petits textes préparés avec soin, et couvrir les changements de matériel (effectués dans le noir) avec l'assortiment de plaisanteries et blagues d'actualité propres aux chansonniers. Ce fut la première esquisse d'un style qui sera adopté par la suite au cirque par les présentateurs français.

Plus tard, ce seront des augustes de soirée comme Boulicot ou Loriot qui échangeront des blagues avec le présentateur, établissant une tradition qui sera imitée dans d'autres cirques. Le premier de ces duos parlants fut celui que formèrent Recordier, un ancien journaliste, qui remplaça Jean Granier la saison suivante, avec l'augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Boulicot : Ils furent leurs débuts en piste ensemble après avoir officié de cette manière sur la scène de l'Empire avec un grand succès pendant plusieurs années. Le véritable Maitre de manège (ou régisseur(French) The stage (or ring) manager—and sometimes Ringmaster—in a French circus. (See also: Monsieur Loyal)) était toujours Georges Loyal, mais Recordier & Bouliucot contribuèrent à définir un style de présentation qui sera la marque de Medrano.

Au cours de l'été 1938, une transformation importante de la salle fut effectuée pendant la clôture annuelle : la grande loge de face et le foyer derrière elle furent supprimés et l'espace ainsi créé fut équipé de fauteuils supplémentaires. De même, l'ancien promenoir derrière le dernier rang de sièges disparut pour laisser place à une rangée de fauteuils supplémentaire. La capacité de la salle en fut ainsi considérablement augmentée, ce qui se traduisit par un revenu supplémentaire bienvenu en cas de gros succès d'un spectacle, ce qui arrivait relativement souvent.

Couverture de programme par Jean Mercier (1938)
Mais à cette époque, la crainte d’une éventuelle guerre avec l’Allemagne grandissait et, en 1938, les affaires commencèrent à en souffrir. Les frères Amar quittèrent l'Empire, qui devint un théâtre d'opérette au début de 1939. Après la tournée décevante de son beau-frère Grock, Dante Ospiri, l'agent artistique de Medrano, avait quitté le cirque ; il fut remplacé par Emile Audiffred et Félix Marouani, qui dirigeaient une agence artistique réputée (qui représentait entre autres Maurice Chevalier, l'ami de Jérôme). Pour raviver l'intérêt du public sans investir trop d'argent, Recordier eut l'idée d'une autre pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). pour Rhum, On a enlevé la Femme à Barbe, qui connut un gros succès.

En novembre 1938, Jérôme assista au jubilé du Wintergarten de Berlin, où il eut le privilège douteux d'être présenté à Adolf Hitler. Le mois suivant, les Fratellini étaient de retour à Medrano, et en janvier 1939, Jérôme expérimenta en introduisant sur la piste les Peter Sisters, un trio robuste de chanteuses de jazz et danseuses de claquettes noires américaines, qu'il avait découvert aux États-Unis : elles obtinrent un succès considérable. (Elles revinrent après la guerre et finiront par s'installer en France, où l'une d'elles, Virginia Vee, fit une brillante carrière.)

Les Peter Sisters furent suivies par une opérette de cirque écrite par Emile Recordier sur une musique de Vincent Scotto (1876-1952), Le Le Fils de Buffalo Bill. Elle nécessita la plus importante distribution jamais vu à Medrano : 105 artistes, dont une foule de figurants et les 16 Helena Stars, une troupe anglaise de show-girls. Tout cela, ainsi qu'un grand nombre d'accessoires, dont un train Western complet traversant la piste, ont dû rendre les vestiaires et les coulisses déjà confinés de Medrano plus exigus que jamais. Malgré la présence du futur chanteur (et ancien olympien) Clément Duhour (qui produira plus tard les films de Sacha Guitry), le succès fut médiocre.

En mai 1939, Félix Vitry remplaça Jean Coupan au poste de secrétaire général. Vitry dirigera bientôt sa propre agence de publicité, mais il s'occupera du marketing et des relations publiques de Medrano jusqu'en 1958. Pendant ce temps, Jérôme retourna aux États-Unis et rencontra Zeppo Marx, le frère de Groucho, Chico et Harpo Marx, à Los Angeles. Zeppo, après avoir été le quatrième Marx Brother, dirigeait une importante agence artistique à Hollywood et représentait ses célèbres frères ; Zeppo et Jérôme discutèrent d'un éventuel engagement du légendaire trio, mais les frères Marx étaient réticents et la situation en Europe n'aviva certainement pas leur intérêt.

À Hollywood, Jérôme rencontra également Stan Laurel et lui offrit un contrat avec son partenaire, Oliver Hardy ; Laurel était intéressé, mais les négociations restèrent dans l'air pour la même raison, désormais incontournable : la situation européenne ne les encourageait pas à signer un contrat pour travailler en France. Jérôme finalement réussit à recruter l'ancienne star de westerns hollywoodienne Tom Mix, qui avait de nombreuses attaches avec le monde du cirque (notamment en tant que propriétaire de son propre cirque), mais ce fut une victoire douce-amère : l'Allemagne envahit la Pologne le 1er septembre 1939, incitant immédiatement la Grande-Bretagne, la France et leurs alliés européens à déclarer la guerre à l'Allemagne. La Seconde Guerre mondiale avait commencé et le contrat de Tom Mix fut annulé.

La guerre et l'Occupation

Jérôme Medrano fut mobilisé une semaine plus tard. Pour éviter la fermeture de son cirque, il le sous-loua à Audiffred et Marouani, qui en reprirent la direction. Cependant, en mai 1940, les Allemands commencèrent leur invasion de la France, et Medrano ferma ses portes. Le 14 juin 1940, ils occupaient Paris. Dans cette atmosphère tragique, la mort de Paul Fratellini, le 18 juin, passa totalement inaperçue. Félix Marouani, juif, s'était déjà réfugié dans le sud de la France, non occupé, mais Emile Audiffred choisit de quitter Paris à son tour. La famille Saint, s'inquiète de voir le cirque laissé sans attention, décida finalement de vendre sa propriété. Jérôme étant indisponible, les Saint contactèrent des acheteurs potentiels dans le monde du cirque français.

Couverture de programme par Cello pour Medrano-Busch
Le 15 novembre 1940, la Propagandastaffel (le service de propagande allemand dans la France occupée par les Nazis) confia la direction des cirques parisiens à la reine du cirque allemand, Paula Busch, qui plaça son gendre, Emil Wacker, en charge de Medrano. Puis Paula Busch reprit le Cirque d'Hiver en décembre. Pour les Nazis, il s’agissait d’un coup de propagande avec lequel ils espéraient contribuer à construire à Paris une image positive de l’occupant allemand. Mais le projet échoua et ne dura que la période d'essai de trois mois qu’avait prévu la Propagandastaffel : les Parisiens ne considéraient pas que l’idée d'applaudir des numéros allemands en compagnie de soldats de la Wehrmacht constituerait une bonne soirée de cirque.

Finalement démobilisé, Jérôme Medrano rentra précipitamment à Paris pour vérifier son cirque (toujours sous la direction Busch) et signa immédiatement un nouveau bail renouvelable de neuf ans avec Roger Saint, dont la famille était encore propriétaire du bâtiment et de son terrain. Malheureusement, sa vente imminente avait été annoncée à un très mauvais moment pour Jérôme, qui n'était pas en mesure d'acheter : son divorce avec Rachel Baquet s'était transformé en un litige interminable et alambiqué ; son épouse ayant été la codirectrice des cirques Medrano, le divorce n'était pas seulement une séparation personnelle mais aussi une séparation professionnelle et financière. En conséquence, Jérôme se retrouva submergé par des procédures judiciaires complexes et coûteuses, que la guerre et l'occupation allemande ne facilitaient aucunement.

Jérôme vivait alors avec Denise Baillard (1915-1964), ancienne danseuse des Bluebell Girls. Pour se protéger, ainsi que son cirque, d'éventuels problèmes financiers et juridiques résultant de son divorce, il créa une nouvelle société, la SESV (Société d'Exploitation de Spectacles de Variétés) dont la directrice était Denise, et à laquelle il transféra le bail du cirque et d'autres actifs qui étaient à son nom. Le 18 août 1941, Denis donna naissance au premier enfant de Jérôme, Daniel. Puis la nouvelle famille se rendit en Zone Libre, où Jérôme avait loué une villa à Saint-Jean Cap Ferrat. Marcelle Roulet, la sœur de Denise, fut chargée de l'administration du cirque parisien. Jérôme ne reviendra à Paris que lorsque les affaires l'y appelaient.

Medrano rouvrit ses portes le 11 avril 1941 avec un spectacle qui mettait en vedette une pléiade de clowns de renom : Pipo et Tony Sosman, Alex et Zavatta (ce dernier s'imposera comme une star clownesque de premier plan après la guerre), Boulicot, Tony Bastien, Dédé Gruss et Little Walter Junior. Malgré les circonstances, Medrano entendait rester un cirque joyeux. Son nouveau slogan était « Allez rire à Medrano. » Il n'était cependant pas facile de trouver de bons numéros de cirque pour travailler à Paris pendant l'occupation allemande : les Nazis saignaient l'économie française et le franc n'était plus qu'une version fortement dévaluée du mark allemand. Jérôme dut recourir à l'engagement de chanteurs, comédiens et acteurs français populaires pour combler le vide et maintenir des programmes attrayants.

En 1941, l'acteur et comédien (et futur producteur de légendaire émission de télévision La Piste aux Étoiles) Gilles Margaritis avait produit un spectacle de variétés hilarant au Théâtre de l'ABC à Paris, Les Chesterfollies, qui avait connu un énorme succès. Margaritis avait été une vedette internationale de variétés avec son ami Roger Caccia, avec un numéro musical comique désopilant, The Chesterfields, dans lequel aucune note de musique n'était jouée ; Les Chesterfollies étaient fidèles au sens de l'humour très anglo-saxon de Margaritis, un hymne à la comédie absurde et débridée dans le style de la comédie musicale américaine Hellzapoppin (1938), qui tint l'affiche à Broadway pendant plus de trois ans. (Elle fut adaptée pour l'écran en 1941.)
Couverture de programme pour Les Chesterfollies (1943)

Gilles Margaritis, passionné de cirque, avait utilisé dans son spectacle plusieurs clowns et numéros de cirque connus, et Jérôme lui demanda donc de créer une nouvelle version de ses Chesterfollies pour Medrano. Les Chesterfollies 43 ouvrirent en janvier 1943 et furent un énorme succès qui resta quatre mois à l'affiche. Le spectacle vit les débuts à Medrano de la danseuse acrobatique Violette Schmidt (1926-2018), alors agée de seize ans, qui jouera un rôle important dans la vie de Jérôme Medrano et dans l'histoire de son cirque.

La saison 1942-43 avait été bonne et pour ajouter à l'atmosphère festive, le 5 septembre 1943, Denise Baillard donna naissance au deuxième fils de Jérôme, Patrick. Mais tout n'allait pas si bien pour Jérôme Medrano : à la fin de l'année (1943), la famille Saint mit enfin aux enchères leur propriété du boulevard de Rochechouart. Les frères Bouglione, prospères locataires du Cirque d'Hiver, enchérirent contre les frères Amar et Charles Spiessert, le propriétaire du Cirque Pinder ; les Bouglione l'emportèrent quand ils offrirent de payer en espèces avec les sacs de pièces d'or qu'ils avaient apportés dans le coffre de leur voiture. Ils devinrent alors les nouveaux propriétaires du cirque et de son terrain. Jérôme Medrano, qui disposait encore de sept ans de bail, était désormais le locataire de son concurrent. Cependant, il était resté invisible : il avait entretemps rejoint la Résistance.

En février 1944, Medrano présenta Les Chesterfollies 44, qui ne connurent qu'un succès médiocre : cette nouvelle version arrivait trop tôt dans la foulée de la précédente, et les Parisiens avaient aussi trouvé autre chose pour égayer leur vie : la nouvelle que les forces alliées avaient débarqué en Italie. Les Chesterfollies restèrent néanmoins à l'affiche, la situation politique étant désormais devenue trop volatile pour planifier quoi que ce soit à long terme. En avril, après de longues négociations juridiques, le divorce de Jérôme Medrano et Rachel Baquet fut finalisé. Puis, le 6 juin, les forces alliées débarquèrent en Normandie et, le 25 août, Paris était libéré. Jérôme Medrano refit alors surface sous l'uniforme de l'Armée américaine : il était officier de liaison entre l'Armée américaine et les Forces françaises libres. Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitula et la Seconde Guerre mondiale toucha à sa fin.

L'Après-guerre et le Floor Show

Lorsque le Cirque Medrano rouvrit ses portes pour la saison 1944-45, le programme imprimé était bilingue, en anglais et en français, pour attirer les forces américaines et anglaises stationnées à Paris. Il mentionnait Jérôme Medrano comme Directeur artistique et Marcelle Roulet comme Directrice générale. Recordier était toujours l'animateur du spectacle et le charmant augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Loriot avait remplacé Boulicot. Les programmes ne reposaient plus sur des artistes hors-cirque : beaucoup plus d'artistes étaient désormais disponibles, même s'il était encore difficile d'attirer des numéros internationaux. Pipo et Rhum étaient les clowns vedettes de la saison.

Les Craddocks (1951)
En avril 1945, Jérôme Medrano et Denise Baillard se marièrent à Boulogne-Billancourt, banlieue parisienne où ils résidaient (et où le cirque avait un entrepôt). Sur l'acte de mariage, Denise était déclarée « chef d'entreprise » et Jérôme, « industriel. » Jérôme préparait maintenant sa première véritable saison d'après-guerre ; avec Denise et ses enfants, il passa l'été dans la villa de Saint-Jean Cap Ferrat, puis le cirque rouvrit ses portes en septembre 1945, annonçant un spectacle un peu plus dans l'air du temps (mais pas tellement différent de ce que Jérôme avait déjà essayé de faire avant la guerre), qui marqua le début d'une nouvelle ère pour Medrano.

Il embrassa sans réserve ce que Jérôme Medrano avait tenté plus tôt avec les Peter Sisters : un mélange de cirque pur et de variétés. La première moitié du spectacle comprenait dix numéros de cirque traditionnel, dont les clowns Nino & Mimile (bientôt mis en compétition amicale avec Maïss et le très populaire Béby), et accueillait les sensationnels débuts de Rose Gold, dans un superbe numéro de trapèze solo qui fut unanimement salué par la presse—et qui préfigurait le légendaire Rose Gold Trio, dont la première mondiale eut lieu aussi à Medrano, en novembre. Recordier & Loriot assuraient les transitions, épaulés par une troupe d'augustes de soirée.

Pendant l'entracte, la piste était recouverte d'un plancher, et même si les numéros sélectionnés pour la seconde partie étaient encore, pour la plupart, des numéros de cirque, leur style était plus adapté aux variétés, aux cabarets et aux nightclubs. Le maître de cérémonie en était un différent présentateur, changeant à chaque édition. Fasciné depuis longtemps par tout ce qui était américain, Jérôme baptisa cette formule le Floor Show. Le premier Floor Show eut pour vedettes Les Craddocks, le mondialement célèbre numéro d'acrobates comiques des fils de François Fratellini (les futurs clowns Kiko, Popol et Baba Fratellini), qui faisaient les beaux soirs des théâtres de variétés et des cabarets des deux côtés de l'Atlantique. La célèbre danseuse-chanteuse-musicienne Maria Valente, grande vedette des variétés d'avant-guerre, figurait dans la production de décembre, et Violette Schmidt, maintenant dix-huit ans, revint en janvier.

Évidemment, les puristes du cirque critiquèrent Jérôme Medrano, mais sa nouvelle formule, largement commentée par la presse, présentait deux avantages: premièrement, elle distinguait Medrano du Cirque d'Hiver, plus traditionnel, dont les vastes annexes permettaient l'utilisation des nombreux animaux de l’importante ménagerie Bouglione, et qui était mieux équipé pour la réalisation de pantomimes spectaculaires, sa spécialité ; deuxièmement, cette formule pouvait attirer une fois encore au Cirque Medrano une nouvelle génération de public urbain qui n'aurait peut-être pas fréquenté un cirque plus traditionnel.

Pourtant, à la longue, le Floor Show n'apparut pas avoir grand sens : il comprenait toujours de nombreux numéros de cirque, même s'ils avaient une saveur plus contemporaine. Cependant, la partie dite « cirque » (par opposition au « Floor Show ») regroupait parfois les meilleurs numéros, ou était là où se trouvaient les véritables favoris du public, comme les clowns Maïss & Béby. En janvier 1947, Medrano revint aux programmes de cirque traditionnels sans différence marquée entre la première et la seconde partie du spectacle.

Exil aux États-Unis

Buster Keaton en coulisses au bar de Medrano (1947)
Au début de la saison 1946-47, Jérôme avait constitué une équipe administrative efficace à la tête de son cirque, avec sa belle-soeur Marcelle Roulet au poste de Directrice générale, son mari Maurice Roulet comme Directeur administratif, l'ancien dresseur de fauves Josef Trubka comme Régisseur général, Félix Vitry en charge du marketing et de la publicité, et, dans une position moins séduisante mais non négligeable, Paulette Decaplane, l'autre sœur de Denise Medrano, qui s'occupait du bar et des concessions. Medrano était redevenu une affaire de famille. Avec son équipe en place, Jérôme, Denise et leurs enfants s'embarquèrent pour New York en décembre, puis allèrent en Californie, où ils s'installèrent à Westwood, Los Angeles.

Aux journalistes spécilisés américains, Jérôme déclara qu'il était venu aux États-Unis à la recherche de nouveaux talents pour son cirque. En réalité, ses raisons étaient plus personnelles, liées à l'avenir incertain de son cirque parisien et, par conséquent, du sien. Néanmoins, il rechercha vraiment des numéros pendant son séjour en Amérique. En septembre 1947, la grande vedette du premier spectacle de la saison du 50e anniversaire de Medrano (1947-48) était le légendaire comique du cinéma hollywoodien Buster Keaton. Keaton avait atteint le nadir de sa carrière hollywoodienne chez MGM avec une succession navrante de films de série B qui le mettait en équipe avec le comédien Jimmy Durante, et après un combat contre la dépression et l'alcoolisme, il était revenu sur la scène des variétés avec sa nouvelle épouse, Eleanor. Jérôme, qui venait de perdre Laurel et Hardy au profit du nouveau Lido de Paris (où ils n’eurent qu’un succès médiocre), l’avait immédiatement signé.

L'apparition de Buster Keaton fut un énorme succès ; son engagement parisien relança aussi l'intérêt pour ses films muets, exhumés pour l'occasion par Henri Langlois à la Cinémathèque française, et dont les projections devinrent un événement majeur pour les cinéphiles français. Jérôme offrit rapidement à Keaton un nouveau contrat pour un autre passage à Medrano. Il avait également rengagé les Peter Sisters qui, de retour à Paris, suivirent Keaton en octobre. Une autre sommité hollywoodienne, le phénoménal danseur de claquettes et (à l'époque) chanteur Harold Nicholas, de l’extraordinaire duo des Nicholas Brothers, fut la tête d'affiche de novembre. Ces noms auraient certainement donné une meilleure légitimité au concept du Floor Show, mais arrivèrent un peu trop tard.

Jérôme et Denise Medrano géraient à distance leur cirque parisien ; la famille avait pris racine en Californie, où elle avait acheté une grande villa à Encino. Les années de l’immédiate après-guerre furent très prospères pour les cirques dans toute l’Europe et les affaires marchaient bien. En 1949, Denise et Jérôme commencèrent à faire les plans d’une revue entièrement américaine qui allait s'intituler Hollywood Rhythm Extravaganza, et Jérôme retourna à Paris en novembre 1950 pour y préparer une tournée européenne de ce spectacle. Une autre raison de son retour était la signature d'une prolongation de quatre ans de son bail (qui aurait dû expirer à la fin de l'année), obtenue par ses avocats pour compenser les pertes générées par les années de guerre.

Hollywood Rhythm Extravaganza (1950)
À Paris, Jérôme se rendit compte qu'il avait conçu son spectacle hollywoodien à l'échelle américaine, bien trop grande pour son cirque : il dut sérieusement le repenser dans une version allégée afin qu’il soit gérable et rentable au cirque et en tournée. Jérôme rencontra également de sérieux problèmes avec les éléments scéniques, commandés en France à distance et qui n'étaient pas prêts ou qui ne fonctionnaient carrément pas. Après plusieurs délais, le spectacle débuta finalement en janvier 1951 ; si le public français n'apprécia guère le comique américain que Jérôme avait amené avec lui, il aima beaucoup le légendaire danseur de claquettes unijambiste Peg-Leg Bates, véritable révélation du spectacle, et le spectaculaire ensemble de trente-six chorus girls.

Pourtant, le spectacle, qui était pour l'essentiel une revue de variétés américaine traditionnelle, ne marcha pas et ne réussit pas à attirer les Parisiens au Cirque Medrano. Il dut être modifié avec une ambiance plus « cirque » et re-titré Hollywood Follies. Pourtant, parmi les artistes européens engagés pour compléter la liste des numéros de pur cirque, il y avait les Craddocks et le Rose Gold Trio, qui obtinrent beaucoup de succès. Au total, la production américaine de Jérôme Medrano réussit à tenir l'affiche pendant cinq mois, mais le spectacle ne décolla jamais vraiment. Il fut ensuite présenté au Théâtre des Variétés à Bruxelles, où il rendit l'âme définitivement. Ce fut une réelle déception pour Jérôme. Son nom ne fut cependant jamais cité en relation avec la production : le spectacle était censé avoir été produit par un certain Jerry E. Mordan, une anagramme américanisée que Jérôme avait adoptée pour l'occasion...

Quoi qu'il en soit, Jérôme Medrano s'attaqua à la programmation de la saison 1951-52. Entre autres numéros, il réengagea l'une de ses interprètes préférées, la danseuse acrobatique Violette Schmidt. Violette avait maintenant 23 ans ; c'était une très jolie femme, et Jérôme tomba amoureux d'elle lorsqu'elle vint un soir à l'improviste à Medrano pour assister à une représentation. Ils commencèrent bien vite une affaire peu discrète, qui ne fut pas du goût de la Directrice générale et belle-sœur de Jérôme, Marcelle Roulet. Marcelle en informa sa sœur, Denise Medrano, et se brouilla avec Jérôme. C'était encore une fois une situation familiale empoisonnée, et qui affectait le cirque. Jérôme réagit promptement, comme à son habitude : il remercia le couple Roulet et reprit pleinement les rênes de son cirque. Et, comme il l’avouera bien plus tard dans une interview, il « oublia » sa famille en Amérique…

Le début des années 50

Jean Dréna et Loriot
Jérôme Medrano constitua une nouvelle équipe, avec Léon Marchoux comme Directeur général et Marcel Hauriac au poste de Secrétaire général—deux personnalités bien connues du monde du cirque et des variétés. Josef Trubka conserva son poste de Régisseur général, et le marketing et la publicité restaient aux mains de Félix Vitry, qui avait maintenant créé sa propre agence de publicité. La talentueuse Germaine Mordant (1911-1968), vieille amie de Jérôme arrivée à Medrano en 1947, resta chef d'orchestre—la seule femme à avoir occupé ce poste dans un cirque. Un nouveau présentateur, Jean Dréna, joignit le groupe : il devint vite une présence emblématique sur la piste parisienne. La presse se réjouit du grand retour de Jérôme Medrano et salua l'événement comme une probable « renaissance » du Cirque Medrano d'antan.

Ils ne furent pas déçus : la saison 1951-52 est encore aujourd'hui considérée comme l'une des meilleures saisons jamais réalisées par le cirque parisien. Jérôme offrit quatorze spectacles et une collection des meilleurs numéros que l’on eut pu trouver sur le marché, avec un mélange de vieux favoris et les débuts de numéros encore inédits à Paris. Parmi ces premiers figurait l’écuyer de haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School) Otto Schumann, dont le succès fut tel que son contrat dut être prolongé à deux reprises. Les Charlivels, Violette Schmidt, le chanteur acrobate Gino Donati, les funambules de la troupe de Bob Gerry, le jeune prodige de l'équilibre Little John, le très talentueux dresseur de tigres et de lions Vojtech Trubka (frère de Josef) figuraient parmi les nombreux succès de cette saison, qui vit également la résurrection du Club des Amis de Medrano.

Les clowns avaient une place de choix dans ces spectacles, salués par la critique comme la « renaissance du vrai cirque » : Boulicot, Loriot et l'augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. américain Billy Beck assistaient Jean Dréna dans ses présentations, et Nino & Charly, Rhum, Polo Rivel et ses enfants, Pipo et Béby (réunis par Jérôme, qui avait un talent pour « marier » les clowns), et les nouveaux Bario jouaient tout un répertoire d’entrées qui firent la joie d’un public de connaisseurs. Jérôme organisa également un « Tournoi des Clowns » qui révèla quelques nouveaux venus qui se firont bientôt un nom, comme Bocky et Bob. De plus, en janvier 1952, Grock revint à Medrano pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale : de nombreux directeurs européens l’avaient banni pour s'être produit en Allemagne nazie pendant le conflit. Ce fut la dernière apparition de Grock à Paris : Il avait soixante-douze ans et mourût sept ans plus tard, après une tournée européenne d'adieux moyennement réussie avec un cirque voyageur portant son nom.

Jérôme Medrano était désormais fermement aux commandes de son cirque, voire de sa vie personnelle. En septembre 1951, Denise Medrano était revenue à Paris avec ses enfants dans une vaine tentative pour sauver son mariage. Une procédure de divorce commença, aussi compliquée que la précédente en raison de la même intrusion de problèmes de caractère personnel dans la vie professionnelle de Jérôme. Néanmoins, à la fin de la magnifique saison 1951-52, Jérôme Medrano et Violette Schmidt, désormais un véritable couple, partirent en tournée de prospection (et aussi « pour prendre l'air » comme Jérôme décrivit le voyage) aux États-Unis, au Canada et au Mexique.
Violette Schmidt (1952)

En octobre 1952, Buster Keaton était de retour à Medrano où il rencontra son succès habituel. Mais il ne fut pas le seul clown à succès de cette saison : en mars 1953, le célèbre dramaturge, cinéaste, metteur en scène et acteur Sacha Guitry (1885-1957) écrivit dans un magazine français un dithyrambe sur Rhum, qu'il venait de voir à la télévision dans un sketch que le grand augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. avait joué à Medrano. Dans ce document, Guitry plaçait Rhum bien au-dessus de tous les comiques connus, y compris Charlie Chaplin. Le sketch de Rhum était muet : il allait bientôt mourir d'un cancer de la gorge. Il décéda malheureusement cette même année, en octobre, au grand chagrin de ses nombreux admirateurs et collègues. Le merveilleux Rhum ne foula plus jamais la piste magique de Medrano, mais Buster Keaton y revint une dernière fois, en janvier 1954.

Parallèlement, le 16 septembre 1953, Medrano accueillit la première diffusion d'une émission télévisée de cirque conçue par Gilles Margaritis, qui n'avait pas encore de nom, mais qui deviendra La Piste aux Etoiles, une émission de la télévision française qui connut une extraordinaire longévité. La Piste aux Etoiles sera filmée à Medrano par intermittence, et régulièrement à partir de 1959, mais pour une courte période seulement : les propriétaires de Jérôme, la famille Bouglione, interdirent que Medrano soit utilisé pour autre chose que des spectacles de cirque pur, ce qui impliquait que le cirque ne pouvait être utilisé comme studio de télévision. Cette interdiction faisait partie des tentatives des Bouglione pour déloger Jérôme ; en 1960, l’émission trouva un nouveau domicile au Cirque d'Hiver.

Toujours en 1953, Jérôme réalisa un spectacle sous la bannière Medrano au Palais des Sports de Liège, en Belgique, avec les animaux du cirque allemand Williams présentés par Adolf Althoff, le frère de Carola Williams. Au cours de la saison printemps-été 1954, il lança un Grand Cirque Russe itinérant en association avec le Cirque Beautour. Cela faisait partie d'une vague d'activités de cirque extra-parisiennes qui occupaient Jérôme à cette époque. Il sentait peut-être qu'il devait se réinventer : l'année 1954 devait être la dernière de la prolongation du bail initial de Medrano. Néanmoins, au cours de l'été 1953, il rénova son cirque, ajoutant des escaliers menant à la tribune de l'orchestre de chaque côté de l'entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. de piste, et supprimant au passage des sièges réputés pour leur mauvaise visibilité.

Les années de survie

Achille Zavatta en coulisses en "Zavattarzan" (1956)
Durant la saison 1953/54, Jérôme explora les différentes voies juridiques à sa disposition pour conserver le contrôle de son cirque, dont les Bouglione étaient pressés de prendre possession, et 1955 vit le début de querelles judiciaires qui allaient durer huit longues années. Mais tout n'allait pas aussi mal : le 24 novembre 1954, Violette Schmidt donna naissance à leur fille, Françoise. Même si la procédure de divorce de Jérôme et Denise était toujours en cours, Jérôme avait l’intention d’épouser Violette et il reconnut immédiatement leur premier enfant. Un jugement de divorce initial fut prononcé en juin 1955, mais il ne sera ratifié que trois ans plus tard, en 1958. Au printemps 1955, Violette annonça qu'elle attendait un deuxième enfant ; Jérôme III naquit le 22 février 1956. Denise retourna aux États-Unis avec ses enfants à l’été 1956 : elle avait gagné les propriétés américaines que le couple Medrano avait achetées.

En 1955, Jérôme passa un accord avec Lucien Jeannet et les frères Gruss pour prêter son nom au Cirque Gruss-Jeannet, qui venait de mettre fin à sa longue association avec Radio Luxembourg, sous le patronage de laquelle il avait tourné avec un immense succès sous le nom de Radio Circus; Lucien Jeannet et les Gruss lancèrent donc un nouveau « Medrano Voyageur, » qui prit la route en 1956. Puis Jérôme Medrano s'arrangea pour que le très populaire comédien fantaisiste Jean Richard, vedette de cinéma, passionné de cirque, dompteur de fauves amateur et propriétaire d'un zoo privé, fût la tête d'affiche de la saison 1957. Jean Richard avait déjà présenté avec succès à Medrano le groupe d'éléphants d'Afrique du cirque Knie en décembre 1955.

L’enseigne Medrano avait gardé une grande réputation dans les provinces françaises et la saison 1956 du nouveau Cirque Medrano Voyageur fut une complète réussite. Malheureusement, Jérôme vit là une belle opportunité d'améliorer sa situation financière, et il exigea une augmentation substantielle des honoraires déjà importants qu'il percevait pour la location de son nom ; Lucien Jeannet et les frères Gruss refusèrent d'accéder à sa demande, mais comme ils avaient déjà signé le contrat de Jean Richard pour la saison 1957, ils décidèrent de tourner sous le nom de Cirque Jean Richard. Sa voracité malavisée, quoique compréhensible, coûta à Jérôme sa part dans l'aventure !

Malgré sa situation financière précaire, Jérôme Medrano continue de présenter des programmes excellents et souvent innovants sur le boulevard de Rochechouart. Pour la saison 1955-1956, le clown vedette était Achille Zavatta. Zavatta était devenu très populaire grâce en partie à ses fréquentes apparitions dans l'émission de Margaritis, La Piste aux Étoiles qui était suivie dans toute la France, car il n'y avait alors qu'une seule chaine. En décembre 1955-janvier 1956, pour les fêtes de fin d'année, Medrano vit le retour du grand dresseur de tigres Gilbert Houcke. Houcke, une authentique star de cirque, devança Zavatta sur l'affiche, et terminait le spectacle—dans une véritable position de vedette rarement accordée à un numéro de fauves: la seule mention de Houcke faisait encore vendre des billets !

Gilbert Houcke (1956)
Puis Gilles Margaritis revint avec une toute nouvelle édition de ses Chesterfollies, entièrement construite autour de la vedette de la saison, Achille Zavatta. Pour cette production, Zavatta déploya toute la gamme de ses nombreux talents, de la voltige à cheval à un numéro comique avec un groupe de lionnes, qu'il présentait en pagne et faux-col en Zavattarzan, et dans lequel sa longue perruque restait pendue à la bouche d'une lionne après que le téméraire belluaire ait mis sa tête dans la gueule du fauve ! Cette production fut un énorme succès.

En septembre 1956, le Fővárosi Nagycirkusz de Budapest ouvrit la saison 1956-57 et resta à l'affiche jusqu'à la fin octobre, date à laquelle l'insurrection hongroise commença et les troupes soviétiques entrèrent à Budapest : ce qui était un engagement normal devint soudain un événement politique d'importance ! En novembre, Medrano accueillit le cirque allemand Williams , mais sans sa jeune star, Gunther Gebel-Williams—son groupe de 11 éléphants étant beaucoup trop important pour les locaux exigus de Medrano. En décembre, Jérôme participa à la production du Grand Cirque 57 au Palais des Sports de Paris, un immense spectacle de cirque à l'américaine sur trois pistes et deux plateaux ; il organisa également deux spectacles de Noël dans de des arènes couvertes à Marseille et à Lyon, en plus du programme de Noël de Medrano à Paris.

En mars 1957, le très populaire comique Fernand Raynaud (1926-1973) fut la vedette du spectacle. L'humour de Raynaud était surtout parlé, mais il était aussi un excellent mime, et certains de ses sketchs étaient très visuels : Il n'était en rien déplacé dans une piste de cirque. Son tour, qui comprenait une parodie de ballerine sur fil-de-fer (pour lequel Raynaud marchait réellement sur le fil) et une très bonne imitation de Charlie Chaplin, vainquit les doutes de nombreux critiques. Puis, en septembre, Albert Fratellini, quatre-vingts ans, dernier membre survivant du légendaire trio, entama à Medrano ce qui sera sa dernière saison de cirque.

La saison 1957-58 vit des changements majeurs à Medrano. Jean Laporte (1908-1997), chef d'orchestre de cirque légendaire qui avait succédé en 1953 à Germaine Mordant à la tête de l'orchestre de Medrano, partit pour le Grand Cirque de France (Gruss-Jeannet) et fut remplacé par Hubert Dewaele. En septembre 1958, Marcellys (Marcel Ballester), ancien chanteur devenu clown et présentateur, qui avait été le faire-valoir d'Achille Zavatta dans les Chesterfollies 56, remplaça Jean Dréna—qui avait pris sa retraite au grand chagrin des habitués de Medrano. Félix Vitry partit également pour prendre la direction du mythique music-hall Bobino, et Jacques Prély, ancien chanteur et parolier, devient le Régisseur général de Medrano, poste qu'il occupa jusqu'à la fin.

Deux des anciens piliers de Medrano, les augustes Boulicot et Béby décédèrent en 1958, mais une nouvelle génération de clowns très talentueux était prête : Achille Zavatta, les Bario (qui passèrent la saison 1956-57 à Medrano), les Rudi-Llata et Kiko, Popol et Baba Fratellini (les anciens Craddocks, fils de François Fratellini), qui firent leurs débuts parisiens en clowns à Medrano en février 1958. D'autres viendront.

Le chant du cygne

Le 6 janvier 1958, le divorce de Jérôme Medrano et Denise Baillard fut enfin prononcé. Le 28 avril, Jérôme épousa Amélie Violette Schmidt à la Mairie du 9e arrondissement de Paris. Violette Medrano jouera un rôle important dans la direction du cirque, tant sur le plan administratif qu'artistique, au cours des quatre dernières années de son existence. Pendant ce temps, Jérôme faisait vivre son cirque et il continua à présenter une série de programmes de premier ordre, même s'il ne pouvait pas signer ses numéros très longtemps à l'avance : il était sous la menace constante de devoir abandonner son cirque et son arsenal d'arguments juridiques s'émaciait.

En septembre 1958, Medrano proposa un spectacle intitulé Bravissimo, conçu par Jacques Prély. C'était un spectacle musical sur le thème italien avec les Doriss Girls (les célèbres danseuses du cabaret voisin, le Moulin-Rouge) et plusieurs bons numéros, mais qui souffrit de trop nombreux problèmes techniques et ne gela jamais. Il ne tint l'affiche que quatre semaines. Suite à cette débâcle, comédie et humour devinrent le principal menu de Medrano en 1958 et 1959, avec une abondance de clowns, certains restant à l'affiche plusieurs mois de suite, parmi lesquels Albert Fratellini, Loriot, Gin, les Andreu-Rivels, les Siki, les Steckel , le comédien Chrisitian Duvaleix (un ancien pilier des Chesterfollies), Bocky et Randel, Kiko, Popol & Baba Fratellini, Don Saunders, les Bario, Maïss & Pastis, et Lulu et Tonio.

Corry Vermeeren sur la glace, dans la nouvelle cage (1960)
Il y eut aussi plusieurs numéros de tout premier ordre : L'équilibriste Little John, Philippe Gruss et ses panthères (et des chevaux de la cavalerie(French) The ensemble of the horses in an equestrian circus. Gruss), Maryse Bégary au trapèze, Dany Renz dans son célèbre numéro de jockeyClassic equestrian act in which the participants ride standing in various attitudes on a galoping horse, perform various jumps while on the horse, and from the ground to the horse, and perform classic horse-vaulting exercises. Robin des Bois, et la légendaire star espagnole du trapèze Washington, Pinito Del Oro, entre autres. Medrano était toujours Medrano. Pourtant, en février 1959, suivant les conseils de ses avocats, Jérôme créa une nouvelle société d'exploitation pour son cirque—probablement pour créer de nouveaux obstacles juridiques pour les Bouglione et continuer à faire durer une situation dont l'évidente conclusion était malheureusement inexorable. Au début de la saison 1959-60, en septembre, Violette Medrano figurait bien en évidence sur le programme en tant que seule directrice du cirque. (La nouvelle société était aussi à son nom.) Bien qu'il tint toujours, en réalité, les commandes artistiques, Jérôme restait dans l'ombre.

Cependant, la touche personnelle de Violette se fit sentir : l'image générale de Medrano fut modernisée et rafraîchie, notamment avec des ouvreuses en robes élégantes et colorées à la place des uniformes de cirque, et l'utilisation de désodorisant dans les couloirs et le bar pour masquer l'odeur de la ménagerie. (Cette dernière innovation fut vivement critiquée par les inconditionnels du cirque !) Marcellys prit la direction de l'orchestre, en plus de son rôle de présentateur. Violette eut aussi l'idée d'une cage prémontée qui descendait de la coupole pour les numéros de fauves. C'était une bonne innovation, même si elle ne pouvait pas être utilisée en conjonction avec des numéros aériens majeurs, tels que trapèze volant et funambules, ce qui influencait dans une certaine mesure la composition des programmes (soit un grand numéro aérien, soit un numéro de fauves, mais pas les deux). Recouverte de tissu(French) A double piece of hanging fabric, generally made of silk, used for an aerial act. (See also: Fabric, Silks), cette cage servit également de rideau circulaire dans certaines productions.

En mai 1960, la saison se termina par un intéressant spectacle intitulé Cavalcade sur Glace 60. Il fut entièrement présenté sur une piste de glace, y compris le numéro d'ours polaires d'Erie Klant présenté par Corry Vermeeren, Stella Fratellini et son chimpanzé patineur Georgie, et, plus inattendu encore, le numéro de haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School) d'Elvira Vonderp. La vedette du spectacle était l'ancienne championne française de patinage sur glace Raymonde Du Bief, mais les véritables stars en étaient les Bario, qui avaient passé la majeure partie de la saison 1959-60 à Medrano et étaient au sommet de leur talent créatif et comique. Ils présentèrent de superbes entrées inédites (sur patins, comme tout le monde), et donnèrent à la production son âme autant que ses rires.

Pour les fêtes de fin d'année 1960-61, Medrano présenta Rêve de Clown, un spectacle construit autour du légendaire clown Charlie Rivel, qui n'avait plus été vu à Paris depuis la Seconde guerre mondiale. À la différence de Grock, Charlie Rivel s'était bâti au fil des années un riche répertoire, et avait su l'adapter à son époque… et à son âge. Certaines de entrées dans cette production étaient nouvelles pour le public parisien, et Rivel obtint un énorme succès. La saison 1961-62 vit un nouveau chef d'orchestre, le compositeur belge et parfois acteur V.O.Ursmar (Ursmar van Oosterwijck), qui sera le dernier d'une lignée de chefs d'orchestre remarquables à la tête de l'orchestre de Medrano. Marcellys était allé au Cirque Pinder , et le nouveau présentateur était Jacques Demarny, un ancien acteur, chanteur et auteur prolifique de chansons populaires. La saison fut riche en grands spectacles, et Achille Zavatta en fut la vedette tout l'hiver ; il était difficile d'imaginer que c'était la dernière saison complète de Medrano.

La fin de Medrano

Les adieux, 7 janvier 1963
Il y avait pourtant des signes : la saison estivale, jamais vraiment forte en termes de numéros, fut exceptionnellement faible. Pourtant, lorsque la saison 1962-63 commença effectivement, le programme fut à nouveau remarquable, avec la très médiatisée Lilo, protégée d'Yves de la Cour, sensuelle et légèrement vêtue dans son numéro de haute-école(French) A display of equestrian dressage by a rider mounting a horse and leading it into classic moves and steps. (See also: High School), les Jarz, l'un des meilleurs numéros de trapèze volant de l'école italienne, la légendaire Atilina Segura qui tournait un saut périlleux sur son fil, les Tovarich dans leur spectaculaire numéro familial d'équilibres, les otaries d'André Danion, et les brillants clowns Rudi-Llata, entre autres.

Au programme des Fêtes, Philippe Gruss revint avec ses panthères, ses chevaux et ses éléphants, rejoint par les clowns espagnols Los Álava et le Trio Paco Perez, les extraordinaires Billy, Vittorio et Anna Arata sur le le fil-de-fer, les acrobates japonais Akimoto , les chimpanzés de Klaus Kröplin, Miss Chabre et ses chiens, le numéro américain de tir à l'arbalète de Bob Makworth et Mayana, la célèbre acrobate à la corde lisse(French) A vertical rope used in aerial acts, either for the act itself, or to climb up to an apparatus. Called Spanish Web when covered with fabric. Alma Piaïa (qui n'était plus de première jeunesse), et deux numéros moins connus, The Trampowers au tremplin élastique, et les Francesco équilibristes en main-à-main. Même s'il n'était pas de la qualité du précédent, ce programme n'en restait pas moins très louable : l'incertitude contraignait alors Jérôme à signer les contrats de ses artistes à la dernière minute. Malheureusement, ces artistes devaient faire partie de la toute dernière production de Medrano.

Le 15 décembre 1962, lors de la matinée du samedi, la famille Bouglione entra dans le cirque et prit enfin possession de ses biens. Trois semaines plus tard, le 7 janvier 1963, à la fin de la dernière représentation de leur dernier programme, Jérôme et Violette Medrano entrèrent sur la piste légendaire de Medrano sous une ovation prolongée, et firent leurs adieux à un public au cœur brisé. Les clowns parisiens qui avaient foulé le « cercle enchanté » de Medrano au fil des années les accompagnaient, menés par Kiko, Popol et Baba Fratellini, qui avaient passé leur enfance avec Jérôme dans ce n’était pas encore son cirque. Lorsque, tard dans la soirée, les lumières s'éteignirent enfin, Medrano, « Le Cirque de Paris, » avait cessé d'exister.

EPILOGUE

Le Cirque de Montmartre

Jérôme et Violette Medrano restèrent quelques semaines dans l’appartement du cirque, le temps que les Bouglione rénovent le cirque selon leurs besoins ; dans cette optique, une initiative peu réussie consista à faire "rafraichir" les fresques de Barbier-Daumont situées à la périphérie de la salle par un peintre en publicité murale, qui les transforma pratiquement en illustrations de bande dessinée ! Une fois leurs affaires en ordre, Jérôme et Violette Medrano et leurs enfants s'installèrent à Monaco, dans un appartement qu’ils y avaient loué.

Affiche pour les Hermanos au Cirque de Montmartre (1968)
Les Bouglione Juniors (Firmin, Sampion, Émilien et Joseph, les quatre fils du patriarche, Joseph Bouglione) reprirent la direction du cirque, rebaptisé Cirque de Montmartre. Comme ils dirigeaient également l'imposant cirque ambulant Bouglione (leur père, Joseph, et leur oncle, Firmin Bouglione dirigeaient, eux, le Cirque d'Hiver), ils organisèrent des saisons hivernales très courtes. De plus, le Cirque de Montmartre ne jouait plus que trois jours par semaine, le mercredi, le samedi et le dimanche, ainsi que les jours fériés, comme le Cirque d'Hiver.

Ils présentèrent des spectacles louables, certainement plus excitants et imaginatifs que ce que proposait alors le Cirque d'Hiver qui, désormais libre de toute concurrence sérieuse, ne cherchait pas à innover. Le Cirque de Montmartre mit souvent en vedette les Bario (les célèbres clowns y créèrent leur hilarante parodie de Cléopâtre), mais quoiqu’il en fut, la magie particulière du vieux Medrano avait disparu. L'atmosphère n'était plus la même : finis les éclairages sophistiqués, l'intimité particulière créée par des hôtes comme Jean Dréna et les augustes-maison de Medrano, finies aussi les surprises, les nouveautés inattendues. Le style était trop proche de celui du Cirque d'Hiver et, malgré les efforts des Juniors, le Cirque de Montmartre ressemblait à une simple annexe de la maison-mère.

Hors saison, le Cirque de Montmartre accueillit des événements hors-cirque. En 1966, Colette Renard, une chanteuse française alors très populaire, y fut la vedette d'un spectacle musical sur Jeanne d'Arc, Jehanne Vérité. En 1967 et 1968, le cirque fut loué au Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, qui y présenta des productions du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare et de La Cuisine d'Arnold Wesker. En matière de cirque cependant, le Cirque de Montmartre ne restera qu'un post-scriptum dans la glorieuse saga de la légendaire maison du boulevard de Rochechouart. Même le nom Cirque de Montmartre ne tint pas : on l'appelait encore Medrano, comme c'est toujours le cas aujourd'hui.

Le Cirque de Montmartre donna sa dernière représentation le 8 janvier 1971, dans une atmosphère d'indifférence générale. Le bâtiment fut finalement loué à une Fête de la Bière permanente, au grand désarroi des amateurs de cirque et des habitués du vieux Medrano. Et puis, il fut tout simplement oublié, jusqu'en décembre 1973 : à la fin du mois, des passants inquiets remarquèrent que des ouvriers avaient commencé à le démolir. En janvier 1974, le bâtiment aurait eu 100 ans, et il aurait donc été automatiquement inscrit à l'Inventaire des sites, ce qui aurait aurait pu empêcher sa démolition, puisqu'il y aurait eu une enquête sur le l'importance historique du bâtiment. Les Bouglione, qui voulaient rentabiliser une propriété inutilisée, ne pouvaient pas perdre de temps.

Cette décision provoqua un véritable tollé dans la capitale, alimenté aussi par la démolition récente du Théâtre de l'Ambigu, l'un des plus anciens théâtres de Paris, et, au début de l'année suivante, du Gaumont Palace, la plus grande salle de cinéma d'Europe (dont les murs recouvraient en fait la structure de l'ancien Hippodrome de la Place Clichy). Tout cela conduisit la Ville de Paris, lorsqu’elle finalement élut un maire en 1977, à placer automatiquement ses théâtres historiques sous protection—mais il était malheureusement beaucoup trop tard. Aujourd'hui, un immeuble d'habitation particulièrement peu attrayant nommé Le Bouglione occupe le site ; une plaque, dévoilée sur ce bâtiment en octobre 2012, rappelle aux passants que le Cirque Fernando, plus tard Medrano, plus tard Cirque de Montmartre, s'y trouvait autrefois.

Le Retour de Medrano

Affiche pour le nouveau Medrano (2015)
Les Medrano virent depuis Monaco la triste disparition de leur cirque. Il ne leur restait plus beaucoup d'argent et, tandis que Jérôme jouait encore avec des projets de cirque (tout en négociant occasionnellement la vente de yachts), Violette prit un emploi stable dans une banque. Ils finirent leurs jours à Monaco ; passionnés de cirque, directeurs de la nouvelle génération, et vieilles connaissances du monde du cirque étaient heureux de discuter avec Jérôme ou Violette au Festival International du Cirque de Monte-Carlo, auquel ils assistèrent pendant longtemps chaque année à l'invitation du Prince Rainier III de Monaco.

Mais ce n’était pas la fin de Medrano, le cirque. Le 3 mars 1978, un nouveau Cirque Medrano ambulant fut inauguré à Saint-Germain-en-Laye, près de Paris. Ce fut la dernière aventure de Jean Richard ; il avait passé un accord avec Jérôme, et son Nouveau Cirque Jean Richard, qui avait créé une certaine confusion avec ses autres cirques, le Cirque Jean Richard et le Cirque Pinder-Jean Richard, fut rebaptisé Medrano. Dirigé par Alexis Gruss Sr., il connut un certain succès, mais il ne dura que trois mois : l'empire du cirque de Jean Richard s'effondra à cette époque et le nouveau Medrano disparut dans sa faillite.

Puis, en 1987, un jeune entrepreneur de cirque, Raoul Gibault, approcha Jérôme Medrano ; il lui proposa de faire revivre le Cirque Medrano, avec l'accord et la participation de Jérôme (sous forme d'un contrat de location et d'un rôle consultatif), et de le faire tourner dans les grands théâtres de province, avec un spectacle donné sur scène. Ce ne fut facile à vendre, mais Gibault finit par convaincre Jérôme, et le nouveau Cirque Medrano prit la route. Le concept scénique original de Raoul Gibault s'est depuis transformé en un véritable cirque sous chapiteau(French, Russian) A circus tent, or Big Top.. Avec plusieurs unités et de nombreux spectacles de Noël dans le pays, Raoul Gibault dirige aujourd'hui, sous la bannière Arena, l'une des plus grandes organisations de cirque de France, dont le fleuron reste le Cirque Medrano.

Jérôme Medrano décéda à Monaco le 14 novembre 1998, dans sa quatre-vingt-douzième année. Le monde du cirque perdit en lui un de ses directeurs les plus novateurs et les plus talentueux, un homme artistiquement en avance sur son temps, qui, sans le savoir, ouvrit la voie au cirque du XXIe siècle. Violette Medrano décéda le 23 juillet 2018, également dans sa quatre-vingt-douzième année ; elle fut enterrée aux côtés de Jérôme et de Geronimo Medrano au Cimetière de Montmartre à Paris. Jérôme avait deux fils issus de son deuxième mariage (qui vivent aux États-Unis), deux enfants issus de son mariage avec Violette Medrano, et douze petits-enfants des deux côtés de l'Atlantique. Aucun n'a continué dans le cirque.

Pour en savoir plus

  • Gladiateur II (Edouard Cavaillon), Le Cirque Fernando, (Paris, Paul Liberal et Cie, 1875)
  • Adrian, Histoire illustrée des Cirques Parisiens d'hier et d'aujourd'hui (Bourg-la-Reine, Adrian Ed., 1957)
  • Tristan Rémy, Le Cirque Fernando – vingt-cinq ans de cirque, 1873-1897 (Paris, Club du Cirque, 1979)
  • Jérôme Medrano, Une vie de cirque (Paris, Editions Arthaud, 1983) — ISBN 2-7003-0443-8
  • Christian Dupavillon, Architectures du Cirque (Paris, Editions du Moniteur, 2001) — ISBN 2-281-19136-2
  • Dominique Denis, Medrano, Saison 1951-1952 (Aulnay-sous-Bois, Éditions Arts des 2 Mondes, 2002)
  • Pierre-Robert Lévy, photographies de Pierre J. Dannès, Un soir à Medrano (Montgeron, Éditions Photostars, 2006) — ISBN 978-2-9527837-0-5
  • Pierre J. Dannès, Jr., Dannès, ses photographies (Montgeron, Éditions Photostars, 2010) — ISBN 978-2-9537837-5-0
  • Dominique Denis, Medrano Boum-Boum, 1897 à 1928 (Aulnay-sous-Bois, Éditions Arts des 2 Mondes, 2012) — ISBN 978-2-915189-25-4
  • Dominique Denis, Cirque Medrano, direction Jérôme Medrano, de 1928 à 1934 (Aulnay-sous-Bois, Éditions Arts des 2 Mondes, 2022) — ISBN 978-2-915189-43-8
  • Dominique Denis, Cirque Medrano, direction Jérôme Medrano, de 1934 à 1939 (Aulnay-sous-Bois, Éditions Arts des 2 Mondes, 2022) — ISBN 978-2-915189-45-2

Voir aussi

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