Difference between pages "Foottit et Chocolat" and "Foottit et Chocolat/fr"

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==Clowns==
 
==Clowns==
  
By ''Dominique Jando''
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Par Dominique Jando
  
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Foottit (souvent orthographié par erreur Footit) et Chocolat furent, au tournant du XXe siècle, des étoiles parisiennes de tout premier plan ; ils étaient les clowns vedettes du très élégant [[Nouveau Cirque (Paris)|Nouveau Cirque]] de la rue Saint-Honoré. Foottit et Chocolat sont souvent reconnus comme les créateurs du duo traditionnel clown/auguste qui devint la norme dans le cirque européen du XXe siècle, mais cela peut être contesté : ce titre de gloire devrait être plus justement attribué à leurs rivaux au Nouveau Cirque, [[Pierantoni et Saltamontès]]. Foottit et Chocolat eurent néanmoins un rôle primordial dans le développement de l’art clownesque européen pendant cette période, et ils en personnifient encore aujourd’hui une étape importante.
  
Foottit (often misspelled Footit) and Chocolat were, at the turn of the twentieth century, the toasts of Paris; they were the clown-stars of the very fashionable [[Nouveau Cirque (Paris)|Nouveau Cirque]], rue Saint-Honoré. Foottit & Chocolat are often credited with having originated the classic clown/auguste association which became the norm in twentieth century’s European circus, although this can be argued: This entitlement could also be attributed (and perhaps more rightly so) to their rivals at the Nouveau Cirque, [[Pierantoni & Saltamontès]]. Yet, Foottit & Chocolat were instrumental in the development of classic European clowning during that period, and they still personify today that important milestone.
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===George Foottit===
  
==George Foottit==
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George Foottit (1864-1921) est né le 24 avril 1864 à Manchester, en Angleterre, où le cirque de son père avait fait étape. Il a été dit que le nom réel de Foottit père était Theodore Hall (souvent orthographié par erreur Tudor Hall, une approximation phonétique), mais cette identité a été contestée par ses descendants directs. En tout état de cause, Foottit père était connu, tout comme son fils, sous le nom de Geo (George) Foottit (?-1874), et il s’était produit au Théâtre de Drury Lane, à Londres, sous le nom de Funny Foottit—un clown traditionnel de théâtre, dans le style de Joseph Grimaldi.
  
George Foottit (1864-1921) was born on April 24, 1864 in Manchester, England, where his father’s circus was showing. His father’s real name has been said to be Theodore Hall (a name that has also been erroneously given as Tudor Hall, a phonetic misspelling), although this identity has been called into question by George Foottit’s direct descendents. For all intents and purposes, George’s father was known, like his son, as Geo (George) Foottit (?-1874), and he had performed at Drury Lane Theatre in London as the clown Funny Foottit—a classic stage clown in the manner of Joseph Grimaldi.  
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George senior créa plus tard son propre cirque ambulant et, en 1867, il s’associa avec les écuyers [[Anthony Powell]] et [[Alfred Clarke]] pour lancer le ‘’Powell, Foottit & Clarke’s Great Allied Circus’’. Malheureusement, Geo Foottit senior avait un redoutable penchant pour la bouteille et ses ivresses chroniques poussèrent Powell et Clarke à dissoudre leur association au milieu de la saison 1868. Foottit père récupéra les chevaux et le matériel qu’il avait investis dans l’entreprise, et reprit la route seul sous l’enseigne Foottit’s Allied Circus. (Powell et Clarke continuèrent leur fructueuse association en Irlande, sans Foottit.)
  
George, Sr. eventually created his own traveling circus and, in 1867, he partnered with the equestrians [[Anthony Powell]] and [[The Clarke Dynasty|Alfred Clarke]] to launch the ''Powell, Foottit & Clarke’s Great Allied Circus''. Unfortunately, Geo Foottit, Sr. had an inordinate love for the bottle, and his chronic drunkenness led Powell and Clarke to end abruptly their partnership with him in the middle of the 1868 season. Foottit, Sr. got back the equipment and horses he had invested in the venture, and continued alone with his ''Foottit’s Allied Circus'', while Powell and Clarke carried on their fruitful association in Ireland.
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George Foottit Junior débuta en piste à trois ans, dans une version miniature du personnage clownesque de son père, sous la tutelle duquel il fut entrainé à l’acrobatie. Il avait huit ans en 1872 quand ses parents l’envoyèrent à Arnold College près de Nottingham, pour améliorer l’éducation rudimentaire que lui avait offerte un musicien du cirque en plus de ses leçons de musique. Les études académiques de George Junior ne durèrent pas longtemps : lorsque son père succomba à une cirrhose du foie deux ans plus tard, sa mère, Sarah (née Crockett), estimant peut-être que son fils ne courrait plus de risques, le retira du collège et le ramena au cirque familial.
  
George Foottit, Jr. debuted in the ring at age three as a miniature version of his father’s clown character, and learned under him his acrobatic repertoire. He was eight years old in 1872 when his parents sent him to Arnold College, near Nottingham, to improve upon the rudimentary education he had received so far at the circus from a musician, who also taught him music. George’s academic schooling didn’t last long: When George, Sr. died two years later of liver cirrhosis, young George’s mother, Sarah (née Crockett), perhaps sensing that her son was now out of harm’s way, pulled him out of school.
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Sarah Foottit se remaria l’année suivante avec un mari plus sobre, l’écuyer [[Thomas Batty]], qui reprit la direction du cirque. Le jeune Foottit apprit la voltige équestre, avec son beau-père et devint rapidement un acrobate à cheval compétent—de même qu’un bon acrobate et fil-de-fériste. Sarah était apprentée aux Sanger, et elle envoya George chez son oncle, le légendaire [[« Lord » George Sanger]], dont le cirque était de loin le meilleur et le plus grand établissement du Royaume-Uni. Les écuries de Sanger étaient particulièrement importantes, et le jeune Foottit continua son éducation équestre chez son oncle. En 1882, à dix-huit ans, il quitta le cocon familial et commença à travailler indépendamment comme acrobate équestre.
  
Sarah Foottit remarried one year later with a more sober husband, the equestrian [[Thomas Batty]], who took over the management of the circus. Young Foottit learned horseback riding with his stepfather, and quickly became a capable equestrian. Sarah was related to the Sangers, and George was sent to his uncle, the legendary [[“Lord” George Sanger]], whose establishment was by far the United Kingdom’s premier and largest traveling circus. Sanger’s stables were particularly rich, and young Foottit furthered his equestrian education in his uncle’s circus. In 1882, at age eighteen, he left the family cocoon and began a career of his own as an acrobat on horseback.
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On était encore dans l’âge d’or du cirque équestre, et les acrobates à cheval étaient nombreux ; bien que Foottit fut compétent, il n’avait pas un talent exceptionnel dans ce domaine et son apparence physique (il était plutôt trapu et n’avait pas un visage attrayant) ne pouvait pas compenser ses limitations techniques. Après un peu plus d’un an dans la carrière avec un succès médiocre, George Foottit revint à sa toute première spécialité : il débuta comme clown à Bordeaux, en France, au Cirque Continental où il avait travaillé originellement avec son numéro équestre.
  
This was still the golden age of equestrian circus, and the equestrian field was crowded; if Foottit was a capable bareback rider, he was not exceptionally talented, and his rather stocky and unappealing physical appearance couldn’t offset his limitations in his specialty. After a little more than one year working with meager success as an equestrian, Foottit reverted to his first area of expertise: He debuted as a clown at the Cirque Continental in Bordeaux, France, where he had already been working as a bareback rider.
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===Débuts clownesques===
  
===Clowning Debuts===
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Les clowns de cirque, à l’époque, étaient des artistes aux talents spécifiques, notamment des sauteurs et des acrobates&madash;talents que Foottit avait développés depuis l’enfance. Ils exerçaient ces talents sous une apparence excentrique, en les agrémentant d’humour verbal. Ils faisaient aussi des parodies de numéros plus sérieux. En ce qui concernait l’humour parlé, Footit avait un handicap apparent : il avait un contrôle très limité de la langue française. Mais le public français trouvaient ses tentatives verbales plutôt drôles, et riaient de bon cœur à ses erreurs de langage dans un accent anglais prononcé. Son handicap devint un atout, et le clown Foottit connut vite le succès.
  
Circus clowns, at the time, were skilled physical performers, generally acrobats and tumblers—qualities that Foottit had developed since childhood—who had an eccentric appearance and often did parodies of straight acts. They also spoke and used verbal humor, but in that domain Foottit had an apparent handicap: He had a poor control of the French language. His French audiences, however, found hilarious his attempts at expressing himself in French, with his heavy English accent and his malapropisms. The handicap proved an asset, and the clown Foottit met with great success.  
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Malheureusement, le Cirque Continental fit faillite, et George Foottit dut rentrer en Angleterre. Il trouva un engagement avec le Hollander’s Great International Circus, qui se produisait pour la saison de Noël sur la scène du Théâtre Royal de Covent Garden à Londres. Dans son propre pays, Foottit ne pouvait pas compter sur ses égarements linguistiques et son accent anglais pour se faire remarquer, et il était en compétition avec une armée de clowns : toujours en grand nombre dans les cirques anglais (et américains), ils se livraient une concurrence constante pour essayer de sortir du lot.
  
Unfortunately, the Cirque Continental went bankrupt, and George Foottit returned to England, where he got an engagement with Hollander’s Great International Circus, which performed for Christmas on the stage of the Theatre Royal, Covent Garden in London. In his own country Foottit couldn’t rely on his linguistic idiosyncrasies to make his mark, and he was competing with an army of clowns—they were always in great numbers in British (and American) circuses—who were all fending each other for a small place in the spotlight.
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Cependant, Foottit avait déjà goûté au succès et, pour se démarquer de ses rivaux, il décida de présenter ce qu’aucun d’eux ne pouvait se permettre (à moins qu’ils eussent été, comme lui, des acrobates à cheval) : une parodie de l’écuyère à panneau—la traditionnelle écuyère romantique. Beaucoup de ces écuyères avaient capturé les cœurs des hommes du monde venus les applaudir, et certaines d’entre elles étaient d’authentiques vedettes qui attiraient de nombreux admirateurs autour des pistes. En maquillage clownesque, vêtu d’un élégant tutu orné de broderies et de paillettes, esquissant de gracieux pas de danse sur le panneau fixé sur le dos de sa monture, Foottit offrait une image particulièrement  réjouissante—et il avait aussi les aptitudes nécessaires pour la rendre plausible.
  
Foottit however was now used to being in that spotlight, and to set himself apart he decided to produce what none of his colleagues could (unless they happened to be, like him, former equestrians): A parody of the romantic "écuyère de panneau"—the traditional ballerina on horseback. Many such equestriennes captured the hearts of gentlemen at the time, and some of them were true stars that attracted large crowds around the rings. In full makeup, wearing an ornate tutu, the sturdy Foottit cut a hilarious figure impersonating a gracious ballerina dancing on the panneau affixed to the back of her galloping horse—and he had the skills to give his parody the necessary veneer of realism .
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Foottit obtint un grand succès avec sa parodie, et son numéro devint vite très demandé en Europe. Il fut engagé à l’[[Hippodrome de l’Alma]] à Paris, dans un spectacle dont la vedette était [[James Guyon]], le premier auguste vu en France. L’auguste était un nouveau venu sur les pistes de cirque ; l’écuyer [[Tom Belling]] avait créé le personnage au cirque [[Circus Renz|Renz]] de Berlin vers 1869. Au contraire du clown, un personnage stylisé au maquillage plutôt abstrait et au costume très distinctif dont les origines remontaient au Moyen Âge, l’auguste ne se reposait plus sur des talents physiques ou un costume bizarre pour provoquer le rire : il était fondamentalement humain, un joyeux idiot, un Monsieur Tout-le-monde mis dans des situations absurdes et embarrassantes qui se transformaient en sujets de comédie. Le public s’attacha au personnage immédiatement car il se retrouvait en lui.
  
Foottit scored a major hit, and his parody was soon much in demand in Europe. He went to perform at the [[Hippodrome de l’Alma]] in Paris, in a show whose star was the first ''auguste'' seen in France, [[James Guyon]]. The auguste was a newcomer to the circus ring; the equestrian [[Tom Belling]] had originated the character at [[Circus Renz]], in Berlin, around 1869. As opposed to the ''clown'', a stylized character wearing a rather abstract makeup and a very distinct costume whose origins could be traced to the Middle Ages, the auguste didn’t rely on physical skills or an oddball look to elicit laughter: he was fundamentally human, a funny idiot, an everyday-man put in absurd and embarrassing situations that generated comedy. Audiences could relate easily to this new comic personage, and they loved him.
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===Le Nouveau Cirque===
  
===The Nouveau Cirque===
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Bien qu’un clown traditionnel, Foottit obtint son succès habituel avec sa parodie de l’écuyère ; en 1886, il se vit offrir un contrat pour l’ouverture du tout nouveau [[Nouveau Cirque (Paris)|Nouveau Cirque]], qui venait d’être construit au cœur de Paris, rue Saint-Honoré, à deux pas de la Place Vendôme. Parmi les artistes de la compagnie se trouvait un clown célèbre (lui aussi Anglais), [[Tony Grice]], mais Foottit l’éclipsa rapidement. Quatre ans plus tard, George Foottit était le clown vedette du Nouveau Cirque—qui était vite devenu le haut lieu des distractions Parisiennes.
  
Foottit, as a traditional clown, obtained his customary success at the Hippodrome with his equestrian parody, and in 1886, he was offered a contract to open Paris’s brand-new circus, the Nouveau Cirque, which was located in the heart of the French capital just one block from the Place Vendôme. The Nouveau Cirque’s cast also featured a well-known and very popular clown, [[Tony Grice]] (a fellow Englishman), but Foottit quickly outshone him. By 1890, Foottit had become the leading clown of the Nouveau Cirque—which had quickly turned into Paris’s most fashionable place of entertainment.  
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En 1890, Foottit fit la une des journaux parisiens. La grande tragédienne Sarah Bernhardt (1844-1923) jouait Cléopâtre dans la pièce éponyme de Victorien Sardou et, comme d’habitude, elle obtenait un succès considérable. Le jeu scénique démesuré, conventionnel à l’époque, de « la reine de l’attitude et princesse des gestes » (comme l’avaient surnommée ses admirateurs) invitait irrésistiblement la parodie—notamment la grandiloquence tragique de la longue scène de la mort de Cléopâtre—et Foottit sauta sur l’occasion. Sa caricature était irrésistible : La Sarah-Cléopâtre de Foottit, avec son ample perruque rousse, sa robe couverte de bijoux et le serpent fatal en caoutchouc, qui n’en finissait pas de mourir avant de finalement ressusciter, devint vite un sujet de conversation dans les salons parisiens. (Dans cette scène, Chocolat jouait un esclave, et Saltamontès était Marc-Antoine.)
  
Foottit’s achievements at the Nouveau Cirque are perfectly illustrated by this anecdote: In 1890 the great tragedienne Sarah Bernhardt was playing ''Cléopâtre'' (Cleopatra) in Victorien Sardou’s eponymous play; as usual, she obtained an immense success. The then-conventional overacting of the "reine de l’attitude et princesse des gestes" (as she had been admiringly dubbed) invited easy parody—especially the tragic grandiloquence of Cleopatra’s death scene—and Foottit jumped at the opportunity. His parody was hilarious: Foottit’s Sarah-Cleopatra, replete with opulent red mane, bejeweled dress, and her fatal rubber snake, quickly became the talk of the town. (In it, Chocolat played a slave, and Saltamontès was Mark Antony.)
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Nombreux furent ceux qui, dans l’entourage de la tragédienne, étaient outragés—notamment son auteur, Victorien Sardou—et l’affaire tourna au mini scandale parisien : on ne se moquait pas ainsi de la « divine » Sarah ! Finalement, Sarah Bernhardt décida de juger par elle-même et se rendit au Nouveau Cirque. Une authentique superstar et une diva en tout points, elle fit une entrée tardive et remarquée avec sa suite quelques instants avant que Foottit n’apparaisse en piste, pratiquement interrompant le spectacle. Le public se figea dans un silence appréhensif lorsqu’à l’entrée de Foottit-Cléopâtre, Madame Sarah lança un péremptoire « Clown, fais-moi rire ! » dans sa direction—ce qui aurait paralysé facilement jusqu’au plus talentueux des comiques. Mais Foottit ne broncha pas et se lança dans sa parodie. Madame Sarah ne put s’empêcher de rire. Non seulement le scandale se dissipa immédiatement, mais l’étoile de Foottit, qui était déjà brillante, monta au firmament.
  
Some in the tragedienne’s coterie were outraged—notably the author Victorien Sardou—and the affair turned into a mini Parisian scandal: One didn’t make fun of the "divine" Sarah! Eventually, Sarah Bernhardt decided to judge by herself, and went to see Foottit perform at the Nouveau Cirque. A true superstar and in every respect the diva, she and her entourage made a grand entrance a few moments before Foottit’s turn, which practically stopped the show. As Foottit entered the ring, the house froze when Madame Sarah bellowed out a peremptory "Clown, fais-moi rire!" ("Clown, make me laugh!")—which would have been enough to paralyze any comic performer, regardless of his talent. Yet Foottit didn’t flinch and went on with his lampoon. Madame Sarah laughed heartily. Not only the scandal melted away, but Foottit’s star rose even higher than it already was.
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Foottit aimait les travestis féminins, avec lesquels il remportait toujours un grand succès. Il développa au cours des ans une vaste galerie de personnages qu’il avait inaugurée avec sa parodie de l’écuyère de panneau. De toute évidence, le contraste entre son apparence physique rugueuse et la grâce que demandaient ses rôles féminins était une source naturelle de comédie. Il allait aussi contre le grain de la personne familière qu’il était en clown : un individu autoritaire mais lâche, agressif et violent, que ses échecs inévitables rendaient ridicule. En piste, le clown Foottit était un personnage grimaçant et dénué de grâce ; le voir donc incarner une charmante jeune femme semblait tellement incongru qu’on ne pouvait qu’en rire. C’était de la comédie facile, mais dans laquelle Foottit excellait et qu’il était heureux d’embrasser.
  
 
==Chocolat==
 
==Chocolat==
  
The origins of Chocolat (1868?-1917) are shrouded in mystery. According to his death certificate (filed by Georgey Foottit, George Foottit’s son, and Charles Barbier—alias the clown Bob O’Connor) his name was Rafael Padilla, and he was allegedly forty-nine when he died in 1917. Yet, the great circus and clown historian Tristan Rémy said that Chocolat never mentioned this patronymic during his lifetime—neither did his son, Eugène Grimaldi, aka Chocolat Fils. Eugène was the son of Chocolat and his wife, Marie Grimaldi, whose name came from a previous marriage; Marie (who actually never married Chocolat legally) always called herself Mrs. Raphaël Chocolat, and Chocolat himself declared not to have any legal document related to his identity. (Chocolat and Marie had also a daughter, Suzanne, who died in infancy.)
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Les origines de Chocolat (1868 ?-1917) se perdent dans un brouillard d’incertitudes. D’après son acte de décès, qui fut établi d’après les informations données par Georgey Foottit, le fils de George Foottit, et Charles Barbier (le clown [[Bob O’Connor]]), il s’appelait Rafael Padilla et il avait soi-disant quarante-neuf ans lorsqu’il mourut en 1917. Cependant, Tristan Rémy, le grand historien du cirque et des clowns, maintenait que ni Chocolat, ni son fils, Eugène Grimaldi (alias Chocolat Fils), n’avaient  mentionné ce nom de famille de leur vivant. Grimaldi était le nom de famille de Marie, la femme de Chocolat ; il lui venait d’un précédent mariage. Marie (qui n’avait jamais épousé Chocolat légalement) se présentait toujours comme Madame Raphaël Chocolat, et Chocolat lui-même disait n’avoir aucun document relatif à son identité. (Rafael et Marie eurent aussi une fille, Suzanne, qui mourut dans son enfance.)
  
Whatever his legal name—if ever indeed he had one—Rafael was born to an African slave in Havana, Cuba, around 1868 (according to the alleged age given on his death certificate) and was raised by another slave before being bought as a child by a Señor Castaño, a rich Antillean merchant, who had a trading post in Bilbao, Spain. Castaño’s mother had a home in nearby Sopuerta, where Castaño placed Rafael as a servant. Rafael eventually escaped, and took menial jobs in Bilbao, from porter to miner. In his spare time, he performed exercises of strength or danced in local cafés for a few pesetas.
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Quel que fût son nom légal—si toutefois il en avait un—Rafael était le fils d’une esclave africaine de La Havane, à Cuba, où il était né aux environs de 1868 (si l’on en croit son acte de décès). Il avait été élevé par une autre esclave avant d’être acheté par un riche marchand antillais, un Señor Castaño, qui avait un comptoir à Bilbao, en Espagne. La mère de Castaño avait une maison à Sopuerta, près de Bilbao, où son fils plaça Rafael à son service. Au bout de quelque temps, Rafael s’échappa et exerça divers petits métiers pour survivre, de porteur de fardeaux à mineur de fond. Quand il avait du temps libre, Rafael  présentait des exercices de force ou dansait dans les cafés de Bilbao pour quelques pesettes.  
  
This is where the clown Tony Grice saw him, around 1884. There was something about Rafael that caught his eye: He was entertaining, he was black (and therefore “exotic”), he had a good physicality, and he was young (Rafael was perhaps sixteen at the time). Tony Grice, who was then one of the star-clowns of Madrid’s [[Circo Price (Madrid)|Circo Price]], offered Rafael a job as his apprentice/assistant for a small stipend and room and board. Rafael accepted, and he joined Tony Grice and his Portuguese partner, Tonyto—another apprentice who was to become the talented clown [[Tonitoff]]. He was immediately nicknamed Chocolat (chocolate in French), a racial slur that looked innocent and amused the public in these colonial times.  
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C’est là que le clown Tony Grice le découvrit, aux environs de 1884. Rafael avait quelque chose qui attira son attention : il était amusant, il était noir (et donc « exotique »), il avait de bonne qualités physiques, et il était jeune (Rafael avait peut-être seize ans à l’époque). Tony Grice, qui était un des clowns vedettes du [[Circo Price|Cirque Price]] de Madrid, offrit à Rafael de devenir son assistant et apprenti ; en échange, il serait nourri, logé et blanchi (s’il on peut dire !), et recevrait un peu d’argent de poche. Rafael accepta, et se joignit à Tony Grice et son partenaire portugais Tonyto—un autre apprenti qui allait devenir le talentueux clown Tonitoff. Il fut immédiatement surnommé Chocolat, une invective raciste qui était considérée innocente en cette époque coloniale.
  
===Parisian Debut===
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===Débuts parisiens===
  
Chocolat made his Parisian debut at the brand-new Nouveau Cirque with Tony Grice in 1886; Grice performed a sketch for which he was famous, a parody of the “Maître de Manège” (equestrian director, or ringmaster), in which Chocolat and Tonyto animated a canvas horse. Thus the legendary Chocolat made his first appearance in the French capital as the hind legs and bottom of a fake horse. Rafael Chocolat was not only Tony Grice’s apprentice and assistant: He was also his servant in private life. At a banquet that followed the baptism of Tony Grice’s son, Chocolat spilled sauce on Mrs. Grice’s new dress. Grice, furious, fired Rafael on the spot.  
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Chocolat fit ses débuts parisiens au Nouveau Cirque avec Tony Grice en 1886. Grice présentait une reprise pour laquelle il était célèbre, celle du « Maître de manège, » dans laquelle Chocolat et Tonyto animaient un cheval de toile. Ainsi le légendaire Chocolat apparut pour la première fois dans la capitale française dans le rôle des postérieures et du postérieur d’un cheval de fantaisie. Rafael Chocolat n’était pas seulement l’apprenti de Tony Grice, il était aussi son serviteur dans la vie privée. Au cours du banquet qui avait suivi le baptême d’un nouveau-né dans la famille Grice, Chocolat renversa une saucière sur la robe de Madame Grice. Tony Grice, furieux, le renvoya sur le champ.
  
Foottit, who was a guest at the banquet, thought Chocolat’s reaction to his misfortune couldn’t help but be funny—as everything else the clumsy Chocolat did. Chocolat was a natural comic, and Foottit, who saw potential in him as a full-fledged auguste, went to see Raoul Donval, the Nouveau Cirque’s director, and convinced him to hire Chocolat independently from Tony Grice—to which Donval agreed. Chocolat proved himself indeed an excellent auguste, and served as foil not only to Foottit, but also to [[Geronimo Medrano]], who had been hired by the Nouveau Cirque in 1887, and to Pierantoni. Chocolat was also featured in the Nouveau Cirque’s trademark water pantomimes.
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Foottit, qui était un des invités, trouva que la réaction de Rafael à son infortune ne pouvait s’empêcher d’être comique&comdash;comme tout ce que faisait le maladroit Chocolat. Chocolat était un comique naturel, et Foottit, qui voyait son potentiel, alla voir Raoul Donval, le directeur du Nouveau Cirque, le convainquit d’engager Chocolat indépendamment de Tony Grice—ce que fit Donval. Chocolat s’avéra vite un excellent auguste, quoique difficile à discipliner,  et servit de partenaire non seulement à Foottit, mais aussi à Pierantoni et à [[Geronimo Medrano]], qui avait été engagé par le Nouveau Cirque en 1887.  
  
As it often happens, serendipity defined Chocolat’s stage appearance. Among Parisian dandies, the fad of the time was to wear not only top hat and tails at parties, but also a black French “culotte” (or breeches) with black tights. Furthermore, wearing a red tailcoat (as did the British toastmasters) was considered particularly chic. Off-stage, Chocolat had become a man about town: Gregarious and pleasant, he had made many friends among Parisian artists and bohemians—Toulouse-Lautrec among them—and he participated actively in the Parisian nightlife.  
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Chocolat acquit rapidement une grande popularité. En plus de son emploi d’auguste auprès de plusieurs clowns, il participait aux pantomimes aquatiques qui étaient l’exclusivité du Nouveau Cirque et le distinguaient nettement de ses compétiteurs. (Le Nouveau Cirque est le tout premier cirque qui ait été équipé d’une piste nautique, un extraordinaire achèvement technique à l’époque.) Dès 1887, Chocolat se vit donner le rôle titre d’une pantomime comique à grand succès, La Noce de Chocolat, construite autour de son personnage d’auguste, et dans laquelle toute la noce finissait dans l’eau—un final incontournable dans ce genre de spectacle. La Noce de Chocolat connut de nombreuses reprises dans les années qui suivirent.
  
One day, he came to the circus in the full regalia à la mode, replete with top hat, red tails, white tie, breeches and tights. Everyone thought his attire, which, as a fashion statement, already looked rather silly to many, appeared particularly funny on him; the costume was thus adopted and became part of Chocolat’s image—and remained so even after the fad had passed.
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Comme il arrive souvent, c’est un heureux hasard qui définit l’apparence scénique de Chocolat. Le dernier chic pour les dandies parisiens de l’époque était d’agrémenter leur habit de soirée de culottes « à la française » noires avec bas de soie, et d’une veste à queue-de-pie rouge (à la façon des « toastmasters » anglais). Chocolat, qui était d’un naturel grégaire et agréable, s’était fait beaucoup d’amis dans la bohême parisienne—Toulouse-Lautrec entre autres—et participait activement à la vie nocturne de la capitale.
  
==Foottit & Chocolat==
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Un jour, il se présenta au Nouveau Cirque en tenue de soirée à la mode, avec culotte noire, cravate blanche, habit rouge, et haut-de-forme. Tout le monde s’accorda à penser que sa tenue, qui, en tant que telle, semblait déjà saugrenue à beaucoup, était particulièrement cocasse sur lui ; en conséquence, le costume fut adopté et devint partie intégrante de l’image de l’auguste Chocolat—et le restera bien après que cette mode vestimentaire eut passé.
  
Around that time (1890), Foottit made Chocolat his regular partner. He followed in that the example of the very successful clown/auguste association of Pierantoni and Saltamontès, whose complementarity worked superbly. There was a difference, however, between them and the duo Foottit & Chocolat. Pierantoni and Saltamontès had in the ring a complicit, rather brotherly relationship; that of Foottit and Chocolat was more markedly delineated, Foottit appearing as the dominant, bossy character, and Chocolat as his victim.
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==Foottit et Chocolat==
  
Such balance, at the time, was expected in this bi-racial relationship: The Negro was meant to be subservient to his intellectually superior White master. (In 1884, justifying European colonialism, the French Prime Minister Jules Ferry had declared: “the superior races have a right because they have a duty. They have the duty to civilize the inferior races.”…) Yet Foottit’s approach to clowning must be taken into consideration, since it also informed his rapport with Chocolat: To George Foottit, the clown reflected the inherent wickedness of human nature.
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Vers 1890, Foottit fit de Chocolat son partenaire attitré. Il suivit en cela l’exemple du duo clown/auguste formé par Pierantoni et Saltamontès dont la complémentarité  était parfaite et qui obtenait un grand succès. Il y avait une importante différence cependant entre leur association et le duo formé par Foottit et Chocolat. En piste, Pierantoni et Slatmaontès avaient une grande complicité, une relation plutôt fraternelle ; celle de Foottit et Chocolat était plus nettement démarquée, Foottit y apparaissant comme un personnage autoritaire et dominant, et Chocolat comme sa victime.
  
Much has been said of Foottit and Chocolat’s relationship by circus historians and scholars, and in time modern sensibilities have given it a Manichean aspect, in which Foottit was constantly bullying and even beating the poor Chocolat—who was supposedly nothing more than “He who gets slapped”. If it is true that Foottit was bossy in and out of the ring, the filmed documents that have fortunately survived do not show Chocolat as a passive victim; he often turned the tables to his advantage, and in his glorious moments of revenge, he ridiculed Foottit. And this is where the comedy lay.  
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Ce contraste, à l’époque, semblait normal dans une relation biraciale : le noir était supposé  être asservi à son maître blanc, qui était d’une intelligence supérieure. (En 1884, pour justifier le colonialisme, le Président du Conseil Jules Ferry avait déclaré : « les races supérieures ont un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… ») Mais la conception de l’art clownesque qu’avait Foottit doit être aussi prise en considération : Pour George Foottit, le clown reflétait la méchanceté de la nature humaine.
  
===Foottit’s Contribution To Modern Clowning===
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Il a beaucoup été dit sur la relation entre Foottit et Chocolat par les historiens de cirque, et au cours des ans, la sensibilité moderne lui a donné un aspect purement manichéen, où Foottit est le constant tourmenteur du pauvre Chocolat—qui en est réduit à l’emploi de « celui qui reçoit des gifles. » S’il est vrai que Foottit était autoritaire dans la piste comme dans la vie, les documents filmés qui nous sont parvenus ne montrent pas Chocolat en victime passive ; il tournait souvent la situation à son avantage, et dans ses glorieux moments de revanche, il ridiculisait Foottit. Et là se trouvait le moteur de la comédie.
  
Chocolat thus established a distinctive aspect of the subsequent definition of the auguste in his relationship to the clown: The auguste provokes laughter by making fun of authority—be that of the ringmaster, the clown, or the more conceptual authority of social conventions. Which is, in fact, what the clown was meant to do initially.
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===La contribution de George Foottit à l’Art clownesque===
  
However the clown was, in appearance and in effect, the equivalent of a court jester; he was in actuality an outsider whose difference—his abstract makeup and eccentric outfit—created a gap between him and the spectators. He didn’t truly belong. The auguste, on the other end, was one of them, a familiar self. His audience was immediately empathetic. In time, the clown, in spite of his eccentric (and increasingly ornate) wardrobe and abstract makeup, would gradually become the auguste’s straight man, leaving to the latter most of the comic responsability.  
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Chocolat établit ainsi un aspect distinct de la nouvelle définition de l’auguste dans sa relation avec le clown : l’auguste provoque le rire en se moquant de l’autorité—fusse-t-elle celle du clown, du maître de manège, ou l’autorité plus abstraite des conventions sociales. Ce qui est en fait ce que le clown était supposé faire à l’origine.
  
Nonetheless, it is Foottit who truly sent European clowning onto a new course, whose distinctiveness would be espoused by an ever-growing number of clown/auguste teams. It came more by necessity than true intent. When working in teams, clowns often relied on a repertoire of loosely structured sketches that came from the fairgrounds’ “lazzi”, or were situations borrowed from the Commedia dell’ arte—some of which dating back to the Middle Ages and beyond. Clowns sometimes adapted them to fit modern times, or to play with topical subjects. Nothing was written, but their improvisation had to stay more or less within the boundaries of the story.
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Cependant le clown, par son apparence physique et son attitude, était l’équivalent d’un bouffon de cour ; il était en fait un étranger dont la différence—son costume excentrique, son maquillage abstrait—créait un fossé entre lui et les spectateurs. Il ne faisait pas vraiment partie de la communauté. L’auguste, au contraire, était l’un de nous, une entité familière. Le public lui offrit immédiatement sa sympathie. Peu à peu, le clown, malgré son costume excentrique (et de plus en plus flamboyant) et son maquillage irréel, deviendra le faire-valoir de l’auguste, ce dernier portant la plupart de la responsabilité comique.
  
Foottit, however, met with a problem: Chocolat was a lose cannon and had very little self-discipline in the ring; his improvisations had to be reined in, lest he become lost and unable to find his way back into the storyline. To avoid this, his partner, whoever he was, had to be not only a strong leader, but also a quick improviser able to revert swiftly to the original course of action; by and large, he had to do that verbally, since dialogue was a key component of these sketches—both as an explicatory tool and a source of humor.
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En tout état de cause, on doit à Foottit un véritable changement du style de la comédie clownesque Européenne, dont la spécificité sera adoptée par un nombre sans cesse croissant de tandems clown/auguste(s). La nécessité, plus qu’une intention délibérée, fut à l’origine de cette évolution. Lorsqu’ils travaillaient en équipe les clowns se reposaient souvent sur un répertoire de saynètes à la structure élastique qui venaient des « lazzis » des baraques foraines, ou avaient été empruntées à la Commedia dell’arte—la plupart datant du Moyen Âge et au delà. Les clowns les adaptaient à leur époque, ou de façon à traiter des sujets d’actualité. Il n’y avait rien d’écrit, mais l’improvisation était contrainte par les grandes lignes de l’histoire, aussi mince fut-elle.
  
Unfortunately, Foottit was not comfortable improvising in French. To solve that problem, he created stronger structures for the age-old repertoire he and Chocolat used, clarifying and better defining storylines and comedic situations. Since the stories were not scripted, improvisation remained necessary but it could be now perfectly contained within a clearly established (and well-rehearsed) framework.  
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Mais avec Chocolat, Foottit se trouvait face à un problème : Chocolat était imprévisible et avait très peu de discipline en piste ; ses improvisations devaient être surveillées de près, au risque de le voir s’y perdre et d’être incapable de retrouver le fil de l’action. Pour éviter ce problème, son partenaire, quel qu’il fut, devait être un meneur de jeu efficace et aussi un improvisateur agile, capable de regagner rapidement le chemin de l’action originale ; d’une façon générale, ce talent d’improvisation devait être verbal, car le dialogue était un élément essentiel de ces sketches—aussi bien comme vecteur d’information que comme source d’humour.
  
Thus Foottit and Chocolat developed a familiar and finely honed repertoire of what would be known as “entrées”. (The term came from the printed program announcement of a “clown entrée”—clown entrance—in which the word “entrée” eventually morphed into the definer of the material). Foottit & Chocolat had made these well-structured entrées quite successful, and other clowns, soon borrowed Foottit’s new and clearer versions, and interpreted them according to their own personalities—thus enriching  the original material along the way. Entrées would be constantly re-adapted over the years to fit the times, and new ones would be invented.
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Malheureusement, Foottit n’était pas à l’aise dans l’improvisation verbale en français. Pour résoudre ce problème il dota le vieux répertoire qu’il jouait avec Chocolat de structures plus cohérentes qui rendaient les scenarios et leurs situations comiques plus clairs et mieux définis. Étant donné que les histoires n’étaient pas écrites, l’improvisation restait nécessaire, mais elle pouvait être mieux endiguée par un canevas désormais clairement établi (et soigneusement répété).
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Hence a clear difference emerged between “entrée” clowns—a combination clown/auguste(s) performing expanded sketches—and “reprise” clowns (or “carpet” clowns in English), who just performed short gags, visual or spoken, between the acts—as they had done ever since [[Philip Astley]] had invented the Circus. Foottit & Chocolat had been indeed the catalysts of this evolution.
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===The End Of The Duo===
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Ainsi Foottit et Chocolat développèrent un répertoire familier et bien affiné de ce qui deviendra connu sous le nom d’entrées clownesques. (Le terme vient de l’annonce, dans les programmes imprimés, de « l’entrée » des clowns en piste—le mot se transformant au fil du temps en définition de ce qu’ils y faisaient.) Foottit et Chocolat rendirent ces canevas—ou entrées—extrêmement populaires, et bien d’autres clowns en empruntèrent les nouvelles versions établies par Foottit et les adaptèrent à leurs propres personnalités—enrichissant ainsi le matériel en cours de route. Ces entrées seront constamment réadaptées au fil des ans pour s'ajuster à l’époque, et d’autres seront inventées.
  
Foottit & Chocolat were incontestably the stars of the Nouveau Cirque, and were often featured in its very successful pantomimes. Foottit’s parody of Sarah Bernhardt was a part of one of them, the revue, À la cravache, and Chocolat held the title role in La noce à Chocolat, which was created in 1887 and revived several times after Chocolat had become famous—the last time in 1909.  
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Une différence apparut de ce fait entre les « clowns d’entrée »—une combinaison clown/auguste(s)—et les clowns ou augustes de reprise, qui interprétaient de courts sketches, visuels ou parlés, entre les différents numéros d’un programme—comme ils l’avaient fait depuis que [[Philip Astley]] avait inventé le cirque moderne. Foottit et Chocolat ont été les catalyseurs de cette évolution.
  
In spite of that, with the arrival of the new century, Foottit and Chocolat began to drift apart: Foottit wanted to work with his sons, Thomas (Tommy), George (Georgey), and Harry. He saw in them his heirs in the art of clowning, and believed they would learn at his side and eventually replace him. It was wishful thinking: as it so often happens when sons are supposed to follow in their famous father’s footsteps, none of them had any notable success once they left the great Foottit’s shadow.
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===La fin d’une époque===
  
In 1902, Foottit was a compère in the first revue presented by the Folies-Bergère—the harbinger of a series that would make that Parisian theater famous all over the world. Chocolat had also a small part in the revue. Foottit & Chocolat returned to the Nouveau Cirque at regular intervals, in spite of several changes of management: Their star power had not faded. However, they didn’t form a permanent team anymore; although they still performed as a duo in entrées and pantomimes, they also appeared, in the same shows, individually or with other partners—with his sons in Foottit’s case.  
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Foottit et Chocolat étaient incontestablement les étoiles du Nouveau Cirque, et avaient souvent le rôle vedette de ses pantomimes à succès. La parodie de Sarah Bernhardt par Foottit faisait partie de l’une d’elles, la revue À la cravache, et Chocolat avait le rôle-titre de l’inépuisable La noce de Chocolat, qui fut ravivée pour la dernière fois en 1909. En 1907, le célèbre auteur, librettiste et poète Franc-Nohain (1872-1934) écrivit Les mémoires de Footit et Chocolat (sic).
  
In 1909, they starred in two new pantomimes, each written for one of them, Foottit réserviste, and Chocolat aviateur (this was the year Louis Blériot flew over the English Channel). These were to be their swan song. In September 1910, when the Parisian circus reopened for its new season, Foottit and Chocolat were conspicuously absent. Foottit went on the road with his sons and his own circus, and Chocolat found himself in a precarious situation: Without Foottit (with whom he had remained in good terms), he had difficulties finding jobs.  
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En dépit de tout cela, Foottit et Chocolat commencèrent à s’éloigner l’un de l’autre avec l’arrivée du XXe siècle : Foottit voulait travailler avec ses fils, Thomas (Tommy), George (Georgey) et Harry. Il voyait en eux ses héritiers dans l’art clownesque, et pensait qu’il affineraient leurs talents à son contact et le remplaceraient. C’était faire preuve d’optimisme : comme il arrive souvent lorsque les fils sont supposés hériter les talents de leur célèbre géniteur et assumer sa succession, aucun des fils du grand Foottit n’eut de succès notable après avoir quitté l’ombre de leur père.
  
===Foottit’s Final Years===
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En 1902, Foottit était le meneur de jeu de la première revue présentée par les Folies Bergère—la première d’une longue série qui rendra ce théâtre mondialement célèbre. Chocolat avait aussi un petit rôle dans cette revue. Foottit et Chocolat retournèrent au Nouveau Cirque à intervalles réguliers, en dépit de plusieurs changements de direction : leur pouvoir d ‘attraction était toujours intact. Mais il ne formaient plus un duo permanent ; bien qu’ils apparaissaient comme tel dans des entrées et des pantomimes, ils se produisaient aussi avec d’autres partenaires (avec ses fils, dans le cas de Foottit).
  
Chocolat worked occasionally with his son, Eugène, as the duo Tablette & Chocolat; but although Eugène was a competent clown, Chocolat was lost without Foottit. As for Foottit, his star power and his stage vitality simply faded away without Chocolat. Both of them were in precipitous decline. Yet their status as living legends was maintained and amplified by the Parisian press and intelligentsia—but they were becoming legends of a bygone era, which indeed did them more harm than good. Parisians remembered their glory years as a duet; separately, they were basically has-beens, living relics of “La Belle Époque,” an era that was quickly vanishing.
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Le célèbre directeur [[Hippolyte Houcke]], qui avait été pour un temps à la tête du Nouveau Cirque, les emmena en tournée ; mais ils n’obtinrent pas en province le succès qu’ils avaient à Paris. En 1909, les deux partenaires furent les vedettes de deux pantomimes écrites pour chacun d’eux : Foottit réserviste et Chocolat aviateur (c’était l’année du vol historique de Louis Blériot au-dessus de la Manche). Ce fut leur chant du cygne. En 1910, lorsque le cirque parisien rouvrit ses portes pour la saison 1910-1911, Foottit et Chocolat n’étaient plus à l’affiche. Foottit partit en tournée avec ses fils et son propre cirque, et Chocolat se retrouva dans une situation précaire : sans Foottit (avec lequel il était resté en bons termes), il avait du mal à trouver des engagements. Il réussit à obtenir un petit rôle dans Moïse, une pièce d’Edmond Guiraud donnée au Théâtre Antoine en 1910, mais ce fut une expérience éphémère : il retourna vite à l’art clownesque.
  
Foottit’s circus venture didn’t last long: He had been a Parisian star, but was not very well known in the French provinces. During WWI, he worked for the Théâtre aux Armées, the entertainment branch of the French military, performing for the troops. After the war, he had a few last moments in the spotlight; in 1916, he appeared in a revue by Rip, L’école des civils, at the Théâtre de l’Athénée in Paris; in 1920-21, he played a clown philosopher, a part especially written for him by Maurice Verne in Les Mille et Une Nuits, produced by the great director Firmin Gémier at the Théâtre des Champs-Elysées.
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===Les dernières années de Foottit===
  
Yet by that time, Foottit, disillusioned, had begun to drink heavily. He didn’t hold his liquor cheerfully, however, and he became increasingly unreliable: He had been unable to properly remember his few lines in Les Mille et Une Nuits. His forays in the theatre were not really successful; audiences came to see him principally as a curiosity. In 1921, Foottit appeared also as “the man with a gray hat” in Louis Delluc’s silent movie, Fièvres, in which he played a unhappy, drunk card player in the café where the action took place—a role that probably suited him perfectly.  
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Chocolat avait commencé à travailler avec son fils, Eugène, au Nouveau Cirque sous le nom de Tablette et Chocolat, mais bien qu’Eugène fut un clown compétent, Chocolat était perdu sans Foottit. Quant à ce dernier, son pouvoir d’attraction et sa vitalité scénique s’étiolèrent lorsqu’il quitta Chocolat. Les deux anciens partenaires étaient sur la pente du déclin. Pourtant, leur statut de légendes vivantes était maintenu et amplifié par la presse et l’intelligentsia parisiennes—mais légendes ils étaient d’un temps révolu, ce qui leur faisait bien sûr plus de mal que de bien. Les Parisiens se souvenaient des années glorieuses de leur duo ; séparément, ils n’étaient autres que des reliques vivantes de « la Belle Époque, » qui était en voie de disparition.  
  
George Foottit had opened a small bar, 6 Avenue Montaigne, which was in effect his main source of income—albeit a meager one. His last public appearance in a show was at the celebrated couturier Paul Poiret’s home, as part of the Friday entertainments Poiret offered to the Tout-Paris in his garden, known as L’Oasis. Foottit made a parody of a Degas’s ballerina—a reminder of his once glorious impersonation of a ballerina on horseback. He died in his home, Avenue Montaigne, on April 29, 1921. He was only fifty-seven years old. He had not been forgotten, though, and the press gave him long and flattering obituaries that celebrated his remarkable career as the greatest clown of his generation. He was buried at the Père Lachaise cemetery in Paris, where his tomb is still visible.  
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L’expérience du Cirque Foottit ne dura pas longtemps : s’il avait été une célébrité parisienne, il n’était pas vraiment connu dans les provinces françaises. Pendant la première guerre mondiale, il se produisit pour les troupes au Théâtre aux Armées. En 1916, il participa à une revue de Rip (Georges-Gabriel Thenon, 1884-1941), L’école des civils, au Théâtre de l’Athénée à Paris. On ne connaît pas sa réaction à la mort de Chocolat en 1917, mais sentiments personnels mis à part, on peut penser que Foottit y vit la fin d’une époque. Après la guerre, en 1920-21, il joua le rôle d’un clown philosophe écrit spécialement pour lui par Maurice Verne dans Les Mille et Une Nuits, une pièce produite par le grand metteur-en-scène Firmin Gémier (1869-1933) au Théâtre des Champs-Élysées.
  
===Chocolat’s Sad Ending===
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Mais Foottit, désillusionné, avait commencé à boire. Il n’avait cependant pas le vin heureux, et il devint de plus en plus difficile de lui faire confiance : il avait été incapable de mémoriser proprement le peu de texte qu’il avait dans Les Mille et Une Nuits. Ses incursions au théâtre n’eurent pas beaucoup de succès ; le public venait  voir principalement une curiosité. Foottit joua aussi en 1921 le rôle de « l’homme au chapeau gris » dans le film muet de Louis Delluc, Fièvre, dans lequel il personnifiait, dans le café où se déroulait l’action, un joueur de cartes saumâtre, désabusé et ivrogne —un rôle qui ne lui allait que trop bien.
  
For all his extraordinary fame and his immense impact as Paris’s most celebrated auguste, Chocolat didn’t have Foottit’s versatility of talents, neither was he business savvy. His career after the Nouveau Cirque, which had been his comfortable Parisian refuge for so many years, was more a fight for survival than anything else. He accepted everything that came his way, regardless of quality or financial compensation—so long as he could barely cover his basic family needs.  
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George Foottit avait ouvert un petit bar à Paris, avenue Montaigne, qui était en fait sa principale source de revenus. Sa dernière apparition publique fut dans un des spectacles que le célèbre couturier Paul Poiret (1879-1944) donnait pour le Tout-Paris tous les vendredis dans son jardin, qu’il avait baptisé l’Oasis. Foottit y parodia une danseuse de Degas&mash;un lointain souvenir de ce que fut jadis sa glorieuse imitation d’une écuyère de panneau. Il mourut chez lui, 6 avenue Montaigne, le 29 avril 1921. Il n ‘avait que cinquante-sept ans. Il n’était pas oublié, et la presse lui consacra de longues et flatteuses nécrologies, dans lesquelles il était salué comme le plus grand clown de sa génération. Il fut enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, où sa tombe est toujours visible.
  
He worked principally in the provinces—where his name was known, but not necessarily his talent as an auguste—with traveling circuses. For a while, his son Eugène partnered with him as a clown, but their duo was unsuccessful, and Eugène went on to work with other augustes (notably the great [[Porto]]) as Chocolat Fils. Like Foottit, Chocolat had become an alcoholic. On Sunday November 4, 1917, at 10:30 am, while he worked along Georgey Foottit and [[Bob O’Connor]] at the [[The Rancy Dynasty|Cirque Rancy during an engagement at a fair in Bordeaux, Chocolat died suddenly in his hotel room; the cause was diagnosed as a heart attack.
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===L’héritage de Chocolat===
  
Toulouse-Lautrec had made several sketches, drawings and paintings of Chocolat (and of Foottit for that matter); Colette mentioned him in her celebrated novel, Gigi; the Lumière brothers filmed him with Foottit in some of the first movies ever made; his likeness had been used in a profusion of advertisements, from chocolates (as expected) to department stores, and everything in-between; he appeared in cartoons, and cut-out sheets for children; and he has even been immortalized in a French popular expression, “être chocolat,” which means to be thwarted, or foiled.  
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En dépit de son immense popularité et de son extraordinaire impact comme le plus célèbre auguste de Paris, Chocolat n’avait pas l’éventail de talents de Foottit, et n’ayant jamais reçu d’éducation formelle, il n’avait aucun sens des affaires. Sa carrière après le Nouveau Cirque, qui avait été un refuge confortable pendant tant d’années, fut plus un combat pour survivre que toute autre chose. Il accepta ce qui lui était offert à n’importe quel prix—pour peu qu’il pusse au moins nourrir sa famille.
  
Yet his passing, unless Foottit’s, didn’t make the headlines; Chocolat was just a funny Negro, after all… Sadly, he was buried, in the Protestant cemetery of Bordeaux, in the section reserved to the “indigents”—the needy. In a twist of fate, however, he is best remembered today than his partner, George Foottit; in 2012, he was the subject simultaneously of a book, Chocolat Clown Nègre, by Gérard Noiriel, and a play by the same title, directed by Marcel Bozonnet. And there are still many French people who find themselves, at a moment or another, “complètement chocolat!”
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Il travailla surtout avec des cirques ambulants en province—où son nom était peut être connu, mais pas nécessairement ses talents d’auguste. Pour un temps, son fils lui servit de partenaire, mais leur duo ne connut pas le succès, et Eugène alla continuer sa carrière avec d’autres augustes (notamment le grand [[Porto]]). Comme Foottit, Chocolat était devenu alcoolique. Le 4 novembre 1917, un dimanche, à dix heures trente, alors qu’il était en engagement avec le [[The Rancy Dynasty|Cirque Rancy]] pour la foire de Bordeaux en compagnie de Georgey Foottit et Bob O’Connor, Chocolat mourut soudainement d’un arrêt cardiaque dans sa chambre d’hôtel.
  
==Suggesting Reading==
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Toulouse-Lautrec fit de nombreux sketches, dessins et peintures de Chocolat (comme de Foottit), Colette le mentionna dans son roman Gigi, les frères Lumière le filmèrent avec Foottit dans un des premiers films jamais tournés, son personnage d’auguste fut utilisé dans une profusion de publicités, du chocolat (évidemment) aux grands magasins, en passant par un peu de tout, il fut caricaturé dans des magazines, dans des chromos et des découpages pour enfants, et il fut même immortalisé par une expression populaire : « être chocolat. »
  
* Franc-Nohain, Les Mémoires de Footit et Chocolat, illustrated by René Vincent (Paris, Editions Pierre Lafitte,‎ 1907)
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Cependant son décès, à la différence de Foottit, ne fit pas la une des journaux ; Chocolat n’était qu’un nègre rigolo, après tout… Pour ajouter à son infortune, il fut enterré dans la section réservée aux indigents au cimetière protestant de Bordeaux. Mais il aura eu quand même le dernier mot : on se souvient aujourd’hui mieux de lui que de son partenaire, George Foottit. En 2012, il fut simultanément le sujet d’un livre, Chocolat, clown Nègre, de Gérard Noiriel, et d’une pièce du même titre mise en scène par Marcel Bozonnet. Et il y a toujours de nombreux francophones qui se trouvent, à un moment ou un autre, « complètement chocolat ! »
  
* Tristan Rémy, Le Clowns (Paris, Bernard Grasset, 1945 — republished in 2002) — ISBN 2-246-64022-9
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==Pour en savoir plus==
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* Franc-Nohain, ''Les Mémoires de Footit et Chocolat'', illustrées par René Vincent (Paris, Editions Pierre Lafitte,‎ 1907)
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* Tristan Rémy, ''Le Clowns'' (Paris, Bernard Grasset, 1945 — reprinted in 2002) — ISBN 2-246-64022-9
 
   
 
   
* Gérard Noiriel, Chocolat, clown nègre: L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française (Paris, Bayard, 2012)
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* Gérard Noiriel, ''Chocolat, clown nègre: L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française'' (Paris, Editions Bayard, 2012) — ISBN 2227482710
  
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==Voir aussi==
  
 
* Video: [[Foottit_et_Chocolat_Video_-_Chair_(1897)|Foottit & Chocolat, chair reprise]], filmed by the brothers Lumière (1897)
 
* Video: [[Foottit_et_Chocolat_Video_-_Chair_(1897)|Foottit & Chocolat, chair reprise]], filmed by the brothers Lumière (1897)
 
* Video: [[Foottit_et_Chocolat_Video_-_William_Tell_(1897)|Foottit & Chocolat, ''Guillaume Tell'' entrée]], filmed by the brothers Lumière (1897)
 
* Video: [[Foottit_et_Chocolat_Video_-_William_Tell_(1897)|Foottit & Chocolat, ''Guillaume Tell'' entrée]], filmed by the brothers Lumière (1897)
  
[[Category:Artists and Acts|Foottit et Chocolat]][[Category:Clowns|Foottit et Chocolat]]
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==Gallerie d'images==
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File:Tony_Grice_Poster.jpeg|Tony Grice (1886)
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File:La_Noce_de_Chocolat.jpeg| affiche pour ''La Noce de Chocolat'' (1887)
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File:Geo_Foottit.jpeg|Foottit (c.1890)
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File:Chromo_Chocolat.jpeg|Chocolat dans une publicité (c.1890)
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File:La_Noce_de_Chocolat_1890.jpeg|Programme du Nouveau Cirque pour ''La Noce de Chocolat'' (1890)
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File:Nouveau_Cirque_-_A_la_cravache.jpg|''A la cravache'' au Nouveau Cirque (1891)
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File:Sarah_Bernhardt_as_Cleopatra_(1893).jpeg|Sarah Bernhardt dans ''Cléopâtre'' (1893)
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File:Nouveau_Cirque_Façade_(1904).jpeg|Le Nouveau Cirque (1904)
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File:Foottit_et_Chocolat.jpg|Foottit et Chocolat (c.1895)
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File:Chocolat_-_Au_Bon_Marché.jpeg|Chocolat dans une publicité (c.1895)
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File:Foottit.jpg|Foottit (c.1895)
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File:Foottit_and_Chocolat.jpeg|Foottit et Chocolat (c.1895)
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File:Chocolat_in_a_bar_-_Toulouse-Lautrec_(1896).jpg|Chocolat par Toulouse-Lautrec (1896)
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File:Foottit_et_Chocolat_-_Lautrec.jpg|Foottit et Chocolat par Toulouse-Lautrec (c.1900)
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File:Foottit_%26_Chocolat_by_Rouveyre_(1900).jpeg|Footit et Chocolat par A. Rouveyre (1900)
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File:George_Foottit.jpeg|George Foottit (1901)
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File:Foottit_-_Folies_Bergère.jpeg|Foottit aux Folies-Bergère (1902)
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File:Foottit_-_Houcke.jpeg|Foottit en tournée (c.1905)
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File:Chocolat_by_Gerbault_(1908).jpeg|Chocolat par H. Gerbault (1907)
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File:Foottit_et_Chocolat_-_Gerbault.jpeg|Foottit et Chocolat par H. Gerbault (1907)
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File:Chocolat_-_Mercier.jpeg|Chocolat (c.1910)
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File:Chocolat_and_Son.jpeg|Chocolat et Chocolat Fils (c.1910)
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File:Chocolat.jpg|Chocolat (c.1910)
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File:Foottit_"Fièvre"_(1921).jpg|George Foottit dans ''Fièvre'' (1921)
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File:Foottit_-_Père_Lachaise.jpeg|Tombe de George Foottit (c.2010)
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Revision as of 00:11, 8 July 2015

Foottit and Chocolat.jpeg

Clowns

Par Dominique Jando

Foottit (souvent orthographié par erreur Footit) et Chocolat furent, au tournant du XXe siècle, des étoiles parisiennes de tout premier plan ; ils étaient les clowns vedettes du très élégant Nouveau Cirque de la rue Saint-Honoré. Foottit et Chocolat sont souvent reconnus comme les créateurs du duo traditionnel clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team./augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. qui devint la norme dans le cirque européen du XXe siècle, mais cela peut être contesté : ce titre de gloire devrait être plus justement attribué à leurs rivaux au Nouveau Cirque, Pierantoni et Saltamontès. Foottit et Chocolat eurent néanmoins un rôle primordial dans le développement de l’art clownesque européen pendant cette période, et ils en personnifient encore aujourd’hui une étape importante.

George Foottit

George Foottit (1864-1921) est né le 24 avril 1864 à Manchester, en Angleterre, où le cirque de son père avait fait étape. Il a été dit que le nom réel de Foottit père était Theodore Hall (souvent orthographié par erreur Tudor Hall, une approximation phonétique), mais cette identité a été contestée par ses descendants directs. En tout état de cause, Foottit père était connu, tout comme son fils, sous le nom de Geo (George) Foottit (?-1874), et il s’était produit au Théâtre de Drury Lane, à Londres, sous le nom de Funny Foottit—un clown traditionnel de théâtre, dans le style de Joseph Grimaldi.

George senior créa plus tard son propre cirque ambulant et, en 1867, il s’associa avec les écuyers Anthony Powell et Alfred Clarke pour lancer le ‘’Powell, Foottit & Clarke’s Great Allied Circus’’. Malheureusement, Geo Foottit senior avait un redoutable penchant pour la bouteille et ses ivresses chroniques poussèrent Powell et Clarke à dissoudre leur association au milieu de la saison 1868. Foottit père récupéra les chevaux et le matériel qu’il avait investis dans l’entreprise, et reprit la route seul sous l’enseigne Foottit’s Allied Circus. (Powell et Clarke continuèrent leur fructueuse association en Irlande, sans Foottit.)

George Foottit Junior débuta en piste à trois ans, dans une version miniature du personnage clownesque de son père, sous la tutelle duquel il fut entrainé à l’acrobatie. Il avait huit ans en 1872 quand ses parents l’envoyèrent à Arnold College près de Nottingham, pour améliorer l’éducation rudimentaire que lui avait offerte un musicien du cirque en plus de ses leçons de musique. Les études académiques de George Junior ne durèrent pas longtemps : lorsque son père succomba à une cirrhose du foie deux ans plus tard, sa mère, Sarah (née Crockett), estimant peut-être que son fils ne courrait plus de risques, le retira du collège et le ramena au cirque familial.

Sarah Foottit se remaria l’année suivante avec un mari plus sobre, l’écuyer Thomas Batty, qui reprit la direction du cirque. Le jeune Foottit apprit la voltige équestre, avec son beau-père et devint rapidement un acrobate à cheval compétent—de même qu’un bon acrobate et fil-de-fériste. Sarah était apprentée aux Sanger, et elle envoya George chez son oncle, le légendaire « Lord » George Sanger, dont le cirque était de loin le meilleur et le plus grand établissement du Royaume-Uni. Les écuries de Sanger étaient particulièrement importantes, et le jeune Foottit continua son éducation équestre chez son oncle. En 1882, à dix-huit ans, il quitta le cocon familial et commença à travailler indépendamment comme acrobate équestre.

On était encore dans l’âge d’or du cirque équestre, et les acrobates à cheval étaient nombreux ; bien que Foottit fut compétent, il n’avait pas un talent exceptionnel dans ce domaine et son apparence physique (il était plutôt trapu et n’avait pas un visage attrayant) ne pouvait pas compenser ses limitations techniques. Après un peu plus d’un an dans la carrière avec un succès médiocre, George Foottit revint à sa toute première spécialité : il débuta comme clown à Bordeaux, en France, au Cirque Continental où il avait travaillé originellement avec son numéro équestre.

Débuts clownesques

Les clowns de cirque, à l’époque, étaient des artistes aux talents spécifiques, notamment des sauteurs et des acrobates&madash;talents que Foottit avait développés depuis l’enfance. Ils exerçaient ces talents sous une apparence excentrique, en les agrémentant d’humour verbal. Ils faisaient aussi des parodies de numéros plus sérieux. En ce qui concernait l’humour parlé, Footit avait un handicap apparent : il avait un contrôle très limité de la langue française. Mais le public français trouvaient ses tentatives verbales plutôt drôles, et riaient de bon cœur à ses erreurs de langage dans un accent anglais prononcé. Son handicap devint un atout, et le clown Foottit connut vite le succès.

Malheureusement, le Cirque Continental fit faillite, et George Foottit dut rentrer en Angleterre. Il trouva un engagement avec le Hollander’s Great International Circus, qui se produisait pour la saison de Noël sur la scène du Théâtre Royal de Covent Garden à Londres. Dans son propre pays, Foottit ne pouvait pas compter sur ses égarements linguistiques et son accent anglais pour se faire remarquer, et il était en compétition avec une armée de clowns : toujours en grand nombre dans les cirques anglais (et américains), ils se livraient une concurrence constante pour essayer de sortir du lot.

Cependant, Foottit avait déjà goûté au succès et, pour se démarquer de ses rivaux, il décida de présenter ce qu’aucun d’eux ne pouvait se permettre (à moins qu’ils eussent été, comme lui, des acrobates à cheval) : une parodie de l’écuyère à panneau(French) A flat, padded saddle used by ballerinas on horseback.—la traditionnelle écuyère romantique. Beaucoup de ces écuyères avaient capturé les cœurs des hommes du monde venus les applaudir, et certaines d’entre elles étaient d’authentiques vedettes qui attiraient de nombreux admirateurs autour des pistes. En maquillage clownesque, vêtu d’un élégant tutu orné de broderies et de paillettes, esquissant de gracieux pas de danse sur le panneau(French) A flat, padded saddle used by ballerinas on horseback. fixé sur le dos de sa monture, Foottit offrait une image particulièrement réjouissante—et il avait aussi les aptitudes nécessaires pour la rendre plausible.

Foottit obtint un grand succès avec sa parodie, et son numéro devint vite très demandé en Europe. Il fut engagé à l’Hippodrome de l’Alma à Paris, dans un spectacle dont la vedette était James Guyon, le premier augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. vu en France. L’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. était un nouveau venu sur les pistes de cirque ; l’écuyer Tom Belling avait créé le personnage au cirque Renz de Berlin vers 1869. Au contraire du clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., un personnage stylisé au maquillage plutôt abstrait et au costume très distinctif dont les origines remontaient au Moyen Âge, l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. ne se reposait plus sur des talents physiques ou un costume bizarre pour provoquer le rire : il était fondamentalement humain, un joyeux idiot, un Monsieur Tout-le-monde mis dans des situations absurdes et embarrassantes qui se transformaient en sujets de comédie. Le public s’attacha au personnage immédiatement car il se retrouvait en lui.

Le Nouveau Cirque

Bien qu’un clown traditionnel, Foottit obtint son succès habituel avec sa parodie de l’écuyère ; en 1886, il se vit offrir un contrat pour l’ouverture du tout nouveau Nouveau Cirque, qui venait d’être construit au cœur de Paris, rue Saint-Honoré, à deux pas de la Place Vendôme. Parmi les artistes de la compagnie se trouvait un clown célèbre (lui aussi Anglais), Tony Grice, mais Foottit l’éclipsa rapidement. Quatre ans plus tard, George Foottit était le clown vedette du Nouveau Cirque—qui était vite devenu le haut lieu des distractions Parisiennes.

En 1890, Foottit fit la une des journaux parisiens. La grande tragédienne Sarah Bernhardt (1844-1923) jouait Cléopâtre dans la pièce éponyme de Victorien Sardou et, comme d’habitude, elle obtenait un succès considérable. Le jeu scénique démesuré, conventionnel à l’époque, de « la reine de l’attitude et princesse des gestes » (comme l’avaient surnommée ses admirateurs) invitait irrésistiblement la parodie—notamment la grandiloquence tragique de la longue scène de la mort de Cléopâtre—et Foottit sauta sur l’occasion. Sa caricature était irrésistible : La Sarah-Cléopâtre de Foottit, avec son ample perruque rousse, sa robe couverte de bijoux et le serpent fatal en caoutchouc, qui n’en finissait pas de mourir avant de finalement ressusciter, devint vite un sujet de conversation dans les salons parisiens. (Dans cette scène, Chocolat jouait un esclave, et Saltamontès était Marc-Antoine.)

Nombreux furent ceux qui, dans l’entourage de la tragédienne, étaient outragés—notamment son auteur, Victorien Sardou—et l’affaire tourna au mini scandale parisien : on ne se moquait pas ainsi de la « divine » Sarah ! Finalement, Sarah Bernhardt décida de juger par elle-même et se rendit au Nouveau Cirque. Une authentique superstar et une diva en tout points, elle fit une entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. tardive et remarquée avec sa suite quelques instants avant que Foottit n’apparaisse en piste, pratiquement interrompant le spectacle. Le public se figea dans un silence appréhensif lorsqu’à l’entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. de Foottit-Cléopâtre, Madame Sarah lança un péremptoire « Clown, fais-moi rire ! » dans sa direction—ce qui aurait paralysé facilement jusqu’au plus talentueux des comiques. Mais Foottit ne broncha pas et se lança dans sa parodie. Madame Sarah ne put s’empêcher de rire. Non seulement le scandale se dissipa immédiatement, mais l’étoile de Foottit, qui était déjà brillante, monta au firmament.

Foottit aimait les travestis féminins, avec lesquels il remportait toujours un grand succès. Il développa au cours des ans une vaste galerie de personnages qu’il avait inaugurée avec sa parodie de l’écuyère de panneau(French) A flat, padded saddle used by ballerinas on horseback.. De toute évidence, le contraste entre son apparence physique rugueuse et la grâce que demandaient ses rôles féminins était une source naturelle de comédie. Il allait aussi contre le grain de la personne familière qu’il était en clown : un individu autoritaire mais lâche, agressif et violent, que ses échecs inévitables rendaient ridicule. En piste, le clown Foottit était un personnage grimaçant et dénué de grâce ; le voir donc incarner une charmante jeune femme semblait tellement incongru qu’on ne pouvait qu’en rire. C’était de la comédie facile, mais dans laquelle Foottit excellait et qu’il était heureux d’embrasser.

Chocolat

Les origines de Chocolat (1868 ?-1917) se perdent dans un brouillard d’incertitudes. D’après son acte de décès, qui fut établi d’après les informations données par Georgey Foottit, le fils de George Foottit, et Charles Barbier (le clown Bob O’Connor), il s’appelait Rafael Padilla et il avait soi-disant quarante-neuf ans lorsqu’il mourut en 1917. Cependant, Tristan Rémy, le grand historien du cirque et des clowns, maintenait que ni Chocolat, ni son fils, Eugène Grimaldi (alias Chocolat Fils), n’avaient mentionné ce nom de famille de leur vivant. Grimaldi était le nom de famille de Marie, la femme de Chocolat ; il lui venait d’un précédent mariage. Marie (qui n’avait jamais épousé Chocolat légalement) se présentait toujours comme Madame Raphaël Chocolat, et Chocolat lui-même disait n’avoir aucun document relatif à son identité. (Rafael et Marie eurent aussi une fille, Suzanne, qui mourut dans son enfance.)

Quel que fût son nom légal—si toutefois il en avait un—Rafael était le fils d’une esclave africaine de La Havane, à Cuba, où il était né aux environs de 1868 (si l’on en croit son acte de décès). Il avait été élevé par une autre esclave avant d’être acheté par un riche marchand antillais, un Señor Castaño, qui avait un comptoir à Bilbao, en Espagne. La mère de Castaño avait une maison à Sopuerta, près de Bilbao, où son fils plaça Rafael à son service. Au bout de quelque temps, Rafael s’échappa et exerça divers petits métiers pour survivre, de porteur de fardeaux à mineur de fond. Quand il avait du temps libre, Rafael présentait des exercices de force ou dansait dans les cafés de Bilbao pour quelques pesettes.

C’est là que le clown Tony Grice le découvrit, aux environs de 1884. Rafael avait quelque chose qui attira son attention : il était amusant, il était noir (et donc « exotique »), il avait de bonne qualités physiques, et il était jeune (Rafael avait peut-être seize ans à l’époque). Tony Grice, qui était un des clowns vedettes du Cirque Price de Madrid, offrit à Rafael de devenir son assistant et apprenti ; en échange, il serait nourri, logé et blanchi (s’il on peut dire !), et recevrait un peu d’argent de poche. Rafael accepta, et se joignit à Tony Grice et son partenaire portugais Tonyto—un autre apprenti qui allait devenir le talentueux clown Tonitoff. Il fut immédiatement surnommé Chocolat, une invective raciste qui était considérée innocente en cette époque coloniale.

Débuts parisiens

Chocolat fit ses débuts parisiens au Nouveau Cirque avec Tony Grice en 1886. Grice présentait une reprise(French) Short piece performed by clowns between acts during prop changes or equipment rigging. (See also: Carpet Clown) pour laquelle il était célèbre, celle du « Maître de manège, » dans laquelle Chocolat et Tonyto animaient un cheval de toile. Ainsi le légendaire Chocolat apparut pour la première fois dans la capitale française dans le rôle des postérieures et du postérieur d’un cheval de fantaisie. Rafael Chocolat n’était pas seulement l’apprenti de Tony Grice, il était aussi son serviteur dans la vie privée. Au cours du banquet qui avait suivi le baptême d’un nouveau-né dans la famille Grice, Chocolat renversa une saucière sur la robe de Madame Grice. Tony Grice, furieux, le renvoya sur le champ.

Foottit, qui était un des invités, trouva que la réaction de Rafael à son infortune ne pouvait s’empêcher d’être comique&comdash;comme tout ce que faisait le maladroit Chocolat. Chocolat était un comique naturel, et Foottit, qui voyait son potentiel, alla voir Raoul Donval, le directeur du Nouveau Cirque, le convainquit d’engager Chocolat indépendamment de Tony Grice—ce que fit Donval. Chocolat s’avéra vite un excellent augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., quoique difficile à discipliner, et servit de partenaire non seulement à Foottit, mais aussi à Pierantoni et à Geronimo Medrano, qui avait été engagé par le Nouveau Cirque en 1887.

Chocolat acquit rapidement une grande popularité. En plus de son emploi d’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. auprès de plusieurs clowns, il participait aux pantomimes aquatiques qui étaient l’exclusivité du Nouveau Cirque et le distinguaient nettement de ses compétiteurs. (Le Nouveau Cirque est le tout premier cirque qui ait été équipé d’une piste nautique, un extraordinaire achèvement technique à l’époque.) Dès 1887, Chocolat se vit donner le rôle titre d’une pantomimeA circus play, not necessarily mute, with a dramatic story-line (a regular feature in 18th and 19th century circus performances). comique à grand succès, La Noce de Chocolat, construite autour de son personnage d’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., et dans laquelle toute la noce finissait dans l’eau—un final incontournable dans ce genre de spectacle. La Noce de Chocolat connut de nombreuses reprises dans les années qui suivirent.

Comme il arrive souvent, c’est un heureux hasard qui définit l’apparence scénique de Chocolat. Le dernier chic pour les dandies parisiens de l’époque était d’agrémenter leur habit de soirée de culottes « à la française » noires avec bas de soie, et d’une veste à queue-de-pie rouge (à la façon des « toastmasters » anglais). Chocolat, qui était d’un naturel grégaire et agréable, s’était fait beaucoup d’amis dans la bohême parisienne—Toulouse-Lautrec entre autres—et participait activement à la vie nocturne de la capitale.

Un jour, il se présenta au Nouveau Cirque en tenue de soirée à la mode, avec culotte noire, cravate blanche, habit rouge, et haut-de-forme. Tout le monde s’accorda à penser que sa tenue, qui, en tant que telle, semblait déjà saugrenue à beaucoup, était particulièrement cocasse sur lui ; en conséquence, le costume fut adopté et devint partie intégrante de l’image de l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. Chocolat—et le restera bien après que cette mode vestimentaire eut passé.

Foottit et Chocolat

Vers 1890, Foottit fit de Chocolat son partenaire attitré. Il suivit en cela l’exemple du duo clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team./augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. formé par Pierantoni et Saltamontès dont la complémentarité était parfaite et qui obtenait un grand succès. Il y avait une importante différence cependant entre leur association et le duo formé par Foottit et Chocolat. En piste, Pierantoni et Slatmaontès avaient une grande complicité, une relation plutôt fraternelle ; celle de Foottit et Chocolat était plus nettement démarquée, Foottit y apparaissant comme un personnage autoritaire et dominant, et Chocolat comme sa victime.

Ce contraste, à l’époque, semblait normal dans une relation biraciale : le noir était supposé être asservi à son maître blanc, qui était d’une intelligence supérieure. (En 1884, pour justifier le colonialisme, le Président du Conseil Jules Ferry avait déclaré : « les races supérieures ont un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… ») Mais la conception de l’art clownesque qu’avait Foottit doit être aussi prise en considération : Pour George Foottit, le clown reflétait la méchanceté de la nature humaine.

Il a beaucoup été dit sur la relation entre Foottit et Chocolat par les historiens de cirque, et au cours des ans, la sensibilité moderne lui a donné un aspect purement manichéen, où Foottit est le constant tourmenteur du pauvre Chocolat—qui en est réduit à l’emploi de « celui qui reçoit des gifles. » S’il est vrai que Foottit était autoritaire dans la piste comme dans la vie, les documents filmés qui nous sont parvenus ne montrent pas Chocolat en victime passive ; il tournait souvent la situation à son avantage, et dans ses glorieux moments de revanche, il ridiculisait Foottit. Et là se trouvait le moteur de la comédie.

La contribution de George Foottit à l’Art clownesque

Chocolat établit ainsi un aspect distinct de la nouvelle définition de l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. dans sa relation avec le clown : l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. provoque le rire en se moquant de l’autorité—fusse-t-elle celle du clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., du maître de manège, ou l’autorité plus abstraite des conventions sociales. Ce qui est en fait ce que le clown était supposé faire à l’origine.

Cependant le clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., par son apparence physique et son attitude, était l’équivalent d’un bouffon de cour ; il était en fait un étranger dont la différence—son costume excentrique, son maquillage abstrait—créait un fossé entre lui et les spectateurs. Il ne faisait pas vraiment partie de la communauté. L’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., au contraire, était l’un de nous, une entité familière. Le public lui offrit immédiatement sa sympathie. Peu à peu, le clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team., malgré son costume excentrique (et de plus en plus flamboyant) et son maquillage irréel, deviendra le faire-valoir de l’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown., ce dernier portant la plupart de la responsabilité comique.

En tout état de cause, on doit à Foottit un véritable changement du style de la comédie clownesque Européenne, dont la spécificité sera adoptée par un nombre sans cesse croissant de tandems clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team./augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown.(s). La nécessité, plus qu’une intention délibérée, fut à l’origine de cette évolution. Lorsqu’ils travaillaient en équipe les clowns se reposaient souvent sur un répertoire de saynètes à la structure élastique qui venaient des « lazzis » des baraques foraines, ou avaient été empruntées à la Commedia dell’arte—la plupart datant du Moyen Âge et au delà. Les clowns les adaptaient à leur époque, ou de façon à traiter des sujets d’actualité. Il n’y avait rien d’écrit, mais l’improvisation était contrainte par les grandes lignes de l’histoire, aussi mince fut-elle.

Mais avec Chocolat, Foottit se trouvait face à un problème : Chocolat était imprévisible et avait très peu de discipline en piste ; ses improvisations devaient être surveillées de près, au risque de le voir s’y perdre et d’être incapable de retrouver le fil de l’action. Pour éviter ce problème, son partenaire, quel qu’il fut, devait être un meneur de jeu efficace et aussi un improvisateur agile, capable de regagner rapidement le chemin de l’action originale ; d’une façon générale, ce talent d’improvisation devait être verbal, car le dialogue était un élément essentiel de ces sketches—aussi bien comme vecteur d’information que comme source d’humour.

Malheureusement, Foottit n’était pas à l’aise dans l’improvisation verbale en français. Pour résoudre ce problème il dota le vieux répertoire qu’il jouait avec Chocolat de structures plus cohérentes qui rendaient les scenarios et leurs situations comiques plus clairs et mieux définis. Étant donné que les histoires n’étaient pas écrites, l’improvisation restait nécessaire, mais elle pouvait être mieux endiguée par un canevas désormais clairement établi (et soigneusement répété).

Ainsi Foottit et Chocolat développèrent un répertoire familier et bien affiné de ce qui deviendra connu sous le nom d’entrées clownesques. (Le terme vient de l’annonce, dans les programmes imprimés, de « l’entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. » des clowns en piste—le mot se transformant au fil du temps en définition de ce qu’ils y faisaient.) Foottit et Chocolat rendirent ces canevas—ou entrées—extrêmement populaires, et bien d’autres clowns en empruntèrent les nouvelles versions établies par Foottit et les adaptèrent à leurs propres personnalités—enrichissant ainsi le matériel en cours de route. Ces entrées seront constamment réadaptées au fil des ans pour s'ajuster à l’époque, et d’autres seront inventées.

Une différence apparut de ce fait entre les « clowns d’entrée(French) Clown piece with a dramatic structure, generally in the form of a short story or scene. »—une combinaison clownGeneric term for all clowns and augustes. '''Specific:''' In Europe, the elegant, whiteface character who plays the role of the straight man to the Auguste in a clown team./augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown.(s)—et les clowns ou augustes de reprise(French) Short piece performed by clowns between acts during prop changes or equipment rigging. (See also: Carpet Clown), qui interprétaient de courts sketches, visuels ou parlés, entre les différents numéros d’un programme—comme ils l’avaient fait depuis que Philip Astley avait inventé le cirque moderne. Foottit et Chocolat ont été les catalyseurs de cette évolution.

La fin d’une époque

Foottit et Chocolat étaient incontestablement les étoiles du Nouveau Cirque, et avaient souvent le rôle vedette de ses pantomimes à succès. La parodie de Sarah Bernhardt par Foottit faisait partie de l’une d’elles, la revue À la cravache, et Chocolat avait le rôle-titre de l’inépuisable La noce de Chocolat, qui fut ravivée pour la dernière fois en 1909. En 1907, le célèbre auteur, librettiste et poète Franc-Nohain (1872-1934) écrivit Les mémoires de Footit et Chocolat (sic).

En dépit de tout cela, Foottit et Chocolat commencèrent à s’éloigner l’un de l’autre avec l’arrivée du XXe siècle : Foottit voulait travailler avec ses fils, Thomas (Tommy), George (Georgey) et Harry. Il voyait en eux ses héritiers dans l’art clownesque, et pensait qu’il affineraient leurs talents à son contact et le remplaceraient. C’était faire preuve d’optimisme : comme il arrive souvent lorsque les fils sont supposés hériter les talents de leur célèbre géniteur et assumer sa succession, aucun des fils du grand Foottit n’eut de succès notable après avoir quitté l’ombre de leur père.

En 1902, Foottit était le meneur de jeu de la première revue présentée par les Folies Bergère—la première d’une longue série qui rendra ce théâtre mondialement célèbre. Chocolat avait aussi un petit rôle dans cette revue. Foottit et Chocolat retournèrent au Nouveau Cirque à intervalles réguliers, en dépit de plusieurs changements de direction : leur pouvoir d ‘attraction(Russian) A circus act that can occupy up to the entire second half of a circus performance. était toujours intact. Mais il ne formaient plus un duo permanent ; bien qu’ils apparaissaient comme tel dans des entrées et des pantomimes, ils se produisaient aussi avec d’autres partenaires (avec ses fils, dans le cas de Foottit).

Le célèbre directeur Hippolyte Houcke, qui avait été pour un temps à la tête du Nouveau Cirque, les emmena en tournée ; mais ils n’obtinrent pas en province le succès qu’ils avaient à Paris. En 1909, les deux partenaires furent les vedettes de deux pantomimes écrites pour chacun d’eux : Foottit réserviste et Chocolat aviateur (c’était l’année du vol historique de Louis Blériot au-dessus de la Manche). Ce fut leur chant du cygne. En 1910, lorsque le cirque parisien rouvrit ses portes pour la saison 1910-1911, Foottit et Chocolat n’étaient plus à l’affiche. Foottit partit en tournée avec ses fils et son propre cirque, et Chocolat se retrouva dans une situation précaire : sans Foottit (avec lequel il était resté en bons termes), il avait du mal à trouver des engagements. Il réussit à obtenir un petit rôle dans Moïse, une pièce d’Edmond Guiraud donnée au Théâtre Antoine en 1910, mais ce fut une expérience éphémère : il retourna vite à l’art clownesque.

Les dernières années de Foottit

Chocolat avait commencé à travailler avec son fils, Eugène, au Nouveau Cirque sous le nom de Tablette et Chocolat, mais bien qu’Eugène fut un clown compétent, Chocolat était perdu sans Foottit. Quant à ce dernier, son pouvoir d’attraction(Russian) A circus act that can occupy up to the entire second half of a circus performance. et sa vitalité scénique s’étiolèrent lorsqu’il quitta Chocolat. Les deux anciens partenaires étaient sur la pente du déclin. Pourtant, leur statut de légendes vivantes était maintenu et amplifié par la presse et l’intelligentsia parisiennes—mais légendes ils étaient d’un temps révolu, ce qui leur faisait bien sûr plus de mal que de bien. Les Parisiens se souvenaient des années glorieuses de leur duo ; séparément, ils n’étaient autres que des reliques vivantes de « la Belle Époque, » qui était en voie de disparition.

L’expérience du Cirque Foottit ne dura pas longtemps : s’il avait été une célébrité parisienne, il n’était pas vraiment connu dans les provinces françaises. Pendant la première guerre mondiale, il se produisit pour les troupes au Théâtre aux Armées. En 1916, il participa à une revue de Rip (Georges-Gabriel Thenon, 1884-1941), L’école des civils, au Théâtre de l’Athénée à Paris. On ne connaît pas sa réaction à la mort de Chocolat en 1917, mais sentiments personnels mis à part, on peut penser que Foottit y vit la fin d’une époque. Après la guerre, en 1920-21, il joua le rôle d’un clown philosophe écrit spécialement pour lui par Maurice Verne dans Les Mille et Une Nuits, une pièce produite par le grand metteur-en-scène Firmin Gémier (1869-1933) au Théâtre des Champs-Élysées.

Mais Foottit, désillusionné, avait commencé à boire. Il n’avait cependant pas le vin heureux, et il devint de plus en plus difficile de lui faire confiance : il avait été incapable de mémoriser proprement le peu de texte qu’il avait dans Les Mille et Une Nuits. Ses incursions au théâtre n’eurent pas beaucoup de succès ; le public venait voir principalement une curiosité. Foottit joua aussi en 1921 le rôle de « l’homme au chapeau gris » dans le film muet de Louis Delluc, Fièvre, dans lequel il personnifiait, dans le café où se déroulait l’action, un joueur de cartes saumâtre, désabusé et ivrogne —un rôle qui ne lui allait que trop bien.

George Foottit avait ouvert un petit bar à Paris, avenue Montaigne, qui était en fait sa principale source de revenus. Sa dernière apparition publique fut dans un des spectacles que le célèbre couturier Paul Poiret (1879-1944) donnait pour le Tout-Paris tous les vendredis dans son jardin, qu’il avait baptisé l’Oasis. Foottit y parodia une danseuse de Degas&mash;un lointain souvenir de ce que fut jadis sa glorieuse imitation d’une écuyère de panneau(French) A flat, padded saddle used by ballerinas on horseback.. Il mourut chez lui, 6 avenue Montaigne, le 29 avril 1921. Il n ‘avait que cinquante-sept ans. Il n’était pas oublié, et la presse lui consacra de longues et flatteuses nécrologies, dans lesquelles il était salué comme le plus grand clown de sa génération. Il fut enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, où sa tombe est toujours visible.

L’héritage de Chocolat

En dépit de son immense popularité et de son extraordinaire impact comme le plus célèbre augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. de Paris, Chocolat n’avait pas l’éventail de talents de Foottit, et n’ayant jamais reçu d’éducation formelle, il n’avait aucun sens des affaires. Sa carrière après le Nouveau Cirque, qui avait été un refuge confortable pendant tant d’années, fut plus un combat pour survivre que toute autre chose. Il accepta ce qui lui était offert à n’importe quel prix—pour peu qu’il pusse au moins nourrir sa famille.

Il travailla surtout avec des cirques ambulants en province—où son nom était peut être connu, mais pas nécessairement ses talents d’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown.. Pour un temps, son fils lui servit de partenaire, mais leur duo ne connut pas le succès, et Eugène alla continuer sa carrière avec d’autres augustes (notamment le grand Porto). Comme Foottit, Chocolat était devenu alcoolique. Le 4 novembre 1917, un dimanche, à dix heures trente, alors qu’il était en engagement avec le Cirque Rancy pour la foire de Bordeaux en compagnie de Georgey Foottit et Bob O’Connor, Chocolat mourut soudainement d’un arrêt cardiaque dans sa chambre d’hôtel.

Toulouse-Lautrec fit de nombreux sketches, dessins et peintures de Chocolat (comme de Foottit), Colette le mentionna dans son roman Gigi, les frères Lumière le filmèrent avec Foottit dans un des premiers films jamais tournés, son personnage d’augusteIn a classic European clown team, the comic, red-nosed character, as opposed to the elegant, whiteface Clown. fut utilisé dans une profusion de publicités, du chocolat (évidemment) aux grands magasins, en passant par un peu de tout, il fut caricaturé dans des magazines, dans des chromos et des découpages pour enfants, et il fut même immortalisé par une expression populaire : « être chocolat. »

Cependant son décès, à la différence de Foottit, ne fit pas la une des journaux ; Chocolat n’était qu’un nègre rigolo, après tout… Pour ajouter à son infortune, il fut enterré dans la section réservée aux indigents au cimetière protestant de Bordeaux. Mais il aura eu quand même le dernier mot : on se souvient aujourd’hui mieux de lui que de son partenaire, George Foottit. En 2012, il fut simultanément le sujet d’un livre, Chocolat, clown Nègre, de Gérard Noiriel, et d’une pièce du même titre mise en scène par Marcel Bozonnet. Et il y a toujours de nombreux francophones qui se trouvent, à un moment ou un autre, « complètement chocolat ! »

Pour en savoir plus

  • Franc-Nohain, Les Mémoires de Footit et Chocolat, illustrées par René Vincent (Paris, Editions Pierre Lafitte,‎ 1907)
  • Tristan Rémy, Le Clowns (Paris, Bernard Grasset, 1945 — reprinted in 2002) — ISBN 2-246-64022-9
  • Gérard Noiriel, Chocolat, clown nègre: L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française (Paris, Editions Bayard, 2012) — ISBN 2227482710

Voir aussi

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